Arythmie, yeux secs : vers de nouveaux traitements ?
À la une Une équipe de chercheurs niçois découvre une nouvelle cible thérapeutique pour le traitement des arythmies cardiaques… et des yeux secs
Syndrome du QT long, fibrillation auriculaire familiale. Ce sont les noms très abscons donnés à des maladies cardiaques héréditaires exposant à un risque élevé de syncope ou de mort subite. En cause, une anomalie du système électrique du coeur, lequel contrôle la fréquence (vitesse) et le rythme cardiaque. Lorsque ce système fonctionne correctement, le coeur bat à une fréquence et à un rythme normaux. Les patients victimes de ces syndromes présentent ainsi des troubles du rythme qui en l’absence de traitement peuvent être mortels.
Microgénérateurs de courant
Derrière ces maladies, et d’autres, (lire plus loin) une affaire de canaux ioniques qui « dysfonctionnent » : « Ces canaux situés à la surface des cellules sont constitués de sous-unités formant le « pore » du canal – par lequel transitent les ions – et de sous-unités régulatrices. Ils génèrent ainsi des courants permettant au coeur de battre, aux muscles de se contracter, au système nerveux de ressentir le monde, d’intégrer l’information, etc. Des mutations génétiques au niveau de ces canaux sont fréquemment associées à diverses maladies (appelées canalopathies) telles que la migraine, les arythmies cardiaques comme le syndrome du QT long ou encore l’épilepsie », résume en préambule le Dr Guillaume Sandoz de l’institut de Biologie Valrose (iBV). Spécialiste des canaux dits potassiques (faisant passer des ions potassium), le chercheur niçois a essayé de comprendre pourquoi certaines mutations génétiques provoquaient des pathologies alors qu’elles étaient sans effet sur ce courant. Des recherches conduites en collaboration avec d’autres équipes précurseures dans cette thématique lui ont permis
(1) de percer le mystère. « Presque par hasard, en s’intéressant à ces mutations, on a découvert un nouveau courant, chlore cette fois. Ce courant chlore est régulé par l’hormone angiotensine II impliquée dans le contrôle du système cardiovasculaire. En cas de mutation dans ce canal, le courant est bloqué d’où les arythmies cardiaques. » Suite à ces découvertes, l’équipe niçoise a élaboré une molécule capable de cibler ces anomalies et restaurer ainsi le courant chlore. « Ce sont de nouvelles perspectives dans le traitement des arythmies cardiaques qui s’ouvrent, mais aussi dans d’autres pathologies », se réjouit
Guillaume Sandoz. « Son médicament » – qui a fait l’objet d’un brevet – pourrait en effet bénéficier à des milliers de personnes souffrant de pathologies associées à la sécrétion d’eau. En effet, « lorsque le chlore ne sort plus des cellules, l’eau est aussi bloquée, explique le chercheur. D’où l’intérêt de tester notre médicament chez des patients atteints de pathologies associées à des problèmes de sécrétions cellulaires d’eau, comme la mucoviscidose (2), ou encore le syndrome des yeux secs. Une maladie beaucoup plus bénigne mais très fréquente et invalidante : au Japon, près de 40 % de la population en souffre. » Des recherches, en lien avec l’industrie, sont en cours pour évaluer les bénéfices de ce médicament dans ce syndrome. 1. Ses travaux menés en collaboration avec celles des équipes du Dr Jacques Barhanin du Laboratoire de PhysioMedecine Moleculaire (LP2M) ainsi que du Pr Bernard Attali de l’Université de Tel Aviv ont fait l’objet d’une publication dans la revue Cell. 2. La sortie des ions chlorure est en général accompagnée par une sortie passive d’eau dont le but est d’hydrater le mucus et les sécrétions. Chez les personnes souffrant de mucoviscidose, l’eau est réabsorbée en même temps que les ions sodium à l’intérieur de la cellule, avec les ions chlorure, ce qui provoque une déshydratation du mucus et des sécrétions.