Monaco-Matin

Les pieds dans l’eau à Cavalière

C’est l’exubérance du fauvisme : rochers orangés, cheveux violets, ombres vertes

- ANDRÉ PEYREGNE magazine@nicematin.fr

La peinture ne manque pas de baigneuses. Il y a celles de Courbet, Cézanne, Picasso, Renoir. Celles de Fragonard, Matisse, Manet. Certaines sont opulentes, d’autres chétives, les unes nues, les autres habillées, lascives ou exubérante­s, en groupe ou solitaires. On les trouve au bord des rivières ou de la mer.

Voici la baigneuse d’Henri Manguin. On peut l’admirer au Musée de l’Annonciade à Saint-Tropez. Elle y est bien. C’est sa région d’origine. Elle a été peinte en 1905 à Cavalière sur le littoral varois.

À Saint-Tropez en 

Henri Manguin a découvert notre région au début du

XXe siècle. Son premier séjour à SaintTrope­z remonte à 1904. Il est alors invité par Signac qui le loge alors à la villa Ramade (la première résidence de ce dernier avant la Hune). Signac aime à rencontrer et échanger avec ses amis peintres lors de leurs villégiatu­res estivales. Au contact de la lumière méditerran­éenne, Henri Manguin exulte.

« Il est ébloui par les ocres de la terre et des toits, les verts puissants ou délicats des cyprès et des oliviers, les bleus profonds de la mer et du ciel, les bateaux abrités dans le port » écrivait l’historien d’art Charles Terrasse.

Sa femme pour modèle

Saint-Tropez sera désormais son port d’attache. Il y revient en 1905, du printemps à l’automne. Son ami Marquet l’a rejoint. Ils demeurent à la villa Demière au milieu des chêneslièg­es à l’entrée de la ville sur la colline de Malleribes.

De là, Manguin et sa femme Jeanne – son modèle – parcourent la côte. Manguin se rend à Cavalière près du Lavandou, fait la connaissan­ce de Théo Van Rysselberg­he, devient ami de Cross en 1906. À lui le rivage varois ! Il invite son modèle à mettre les pieds dans l’eau. Elle noue sa robe au niveau des genoux, porte sur la tête un chapeau fleuri. Il l’installe de manière on ne peut plus classique au milieu du tableau. Et, autour d’elle, les couleurs explosent. C’est l’exubérance du fauvisme. Les rochers sont rouges et orangés – rouge enflammé, orange et jaunes ardents – la mer est verte, les cheveux sont violets, le visage est bariolé, les ombres ne sont pas grises mais vertes, rouges. Tout cela joue, chante, clapote. La mer est représenté­e en touches mouvantes.

Néo-impression­niste

« Comme les néo-impression­nistes, Manguin emploie des couleurs pures en dehors d’une réalité chromatiqu­e, explique Séverine Berger, conservatr­ice du Musée de l’Annonciade. Il ne les emploie pas sous forme de points mais comme ses amis fauves, sous forme de touches plus larges souvent épaisses. Il joue sur leurs contrastes, leurs valeurs en les mettant les unes à côté des autres ».

Le tableau fut acquis par l’État au moment de la constructi­on du Musée d’art moderne de Paris en 1937. Mais lorsqu’il prit en mains la destinée du Musée de l’Annonciade, Georges Grammont a obtenu le dépôt de ce tableau à SaintTrope­z. Ce dépôt eut lieu en 1939.

C’était un juste retour des choses. Henri Manguin n’avait-il pas participé luimême en 1924 au projet de création du Museon Tropelen ? Sa Baigneuse continue à exprimer son amour pour notre région.

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