Monaco-Matin

Éric Fréchon : « On verse une larme même à 56 ans »

Le chef cinq fois étoilé, figure du Bristol à Paris, a relevé le challenge : son rôle de consultant auprès des équipes de l’Hôtel du Cap-Eden-Roc a porté ses fruits. Louroc est étoilé en 2021

- PROPOS RECUEILLIS PAR VINCENT BELLANGER vbellanger@nicematin.fr

Un sans-faute. Le challenge était à la hauteur de la maison. Et des hommes qui portent ses valeurs. Lorsqu’en 2019, Éric Fréchon endosse le costume de consultant pour l’Hôtel du Cap-Eden-Roc, le message est clair : une heureuse révolution se prépare. Non seulement, le chef cinq fois étoilé, avait pour mission de réussir l’ouverture de la nouvelle table gastronomi­que Louroc, mais la figure du Bristol (VIIIe) avait également à coeur de lui obtenir une étoile. Double performanc­e. Un labeur qui a porté ses fruits grâce à l’engagement sans faille de ses complices dans cette grande aventure de goût : Arnaud Poëtte, chef exécutif, Lilian Bonnefoi, chef pâtissier et Sébastien Broda, chef du restaurant gastronomi­que. Une brochette de technicien­s, de créatifs et surtout de sensibilit­és qui a séduit le guide rouge. Lors de la prochaine ouverture du palace antibois, les clients pourront donc savourer des mets reconnus officielle­ment comme étoilés. Une reconnaiss­ance que le capitaine de L’Épicure commente à chaud...

Quel est votre sentiment ?

Ce qui est incroyable. C’est que j’ai l’impression d’avoir regagné ma première étoile. On verse une larme même à  ans.

C’est votre cinquième…

Je ressens vraiment la même joie que lors de ma première. C’est un truc de fou !

Ne pas l’obtenir dès l’ouverture : c’était une possibilit­é ?

On aurait été déçus de ne pas l’avoir même si on ne travaille pas pour ça. On travaille d’abord pour les clients. Les étoiles, cela reste la consécrati­on.

Qu’est-ce qui a fait la différence ?

On a remis vraiment le restaurant gastronomi­que et le grill à leur place. Ensuite, nous avons ramené une vraie identité – le coeur de la Provence –, une vraie signature au Louroc.

De la première bouchée jusqu’à la dernière, la Provence est au coeur de l’assiette.

Exactement. J’ai voulu que la Méditerran­ée soit présente partout. Même dans la décoration du restaurant. C’était pour moi une telle évidence d’être entre la terre et la mer au coeur de la Méditerran­ée et de la Provence.

Quelles ont été le retour des clients ?

Comme Le Bristol était fermé cet été, beaucoup de clients sont descendus au Cap d’Antibes. Ils étaient contents d’avoir enfin un restaurant gastronomi­que. Et beaucoup m’ont dit qu’ils en repartaien­t avec de l’émotion ! C’était bien.

Comment avez-vous vécu ce travail d’équipe avec Arnaud Poëtte, Sébastien Broda et Lilian Bonnefoi ?

En premier lieu, je tiens à souligner que je suis très très content pour Arnaud Poëtte. Je suis très content de l’avoir aidé à décrocher cette étoile. Depuis plusieurs années, l’hôtel court après et c’est désormais acté. Le travail a vraiment été collectif. Je les ai énormément écoutés. Arnaud et Sébastien connaissen­t très bien les pêcheurs, les maraîchers. Ils m’ont fait découvrir leur territoire. À partir de ça, j’ai construit ma carte. Un vrai travail d’équipe.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans cette aventure ?

Cette volonté de décrocher cette étoile, une volonté forte déjà du directeur général Philippe Perd et du groupe Oetker.

On sait que Philippe Perd a beaucoup d’ambition. Il ne va pas vouloir s’arrêter là… Allezvous viser la deuxième ?

C’est le Michelin qui décidera. Les étoiles ne nous appartienn­ent pas, elles appartienn­ent seulement au guide. Donc on verra l’an prochain à la même époque si on a bien travaillé ou pas.

Est-il plus difficile de décrocher l’étoile ou de la conserver ?

Je ne pense pas que cela soit comparable. À partir du moment où l’on a envie de bien faire les choses, c’est la même pression. Celle de faire plaisir et de transmettr­e des émotions.

Mais vous n’allez pas vous arrêter là…

On a déjà fait des essais en janvier pour la prochaine saison avec toute l’équipe. Bien sûr, on va essayer d’élever le niveau.

On peut s’attendre à des surprises ?

Tout plat sera création et surprise. Donc oui… (DR)

Vous allez changer l’ensemble de la carte ?

Il y a des plats – comme la poularde à la verveine ou l’artichaut – qui vont être difficiles à enlever parce qu’ils sont déjà devenus des “incontourn­ables”.

C’est une année particuliè­re avec la Covid. Comment l’avezvous vécu ?

Cela n’a pas été une année facile parce qu’il fallait très bien gérer la masse salariale face au nombre

de clients. Ce qui a été vite réconforta­nt c’est qu’on a fait le plein immédiatem­ent. Du coup, nous avons pu avoir le rythme d’un restaurant qui tourne bien. J’avais peur au départ, mais au final les clients ont répondu présents…

On ne se rend pas compte quand on est client : quelle charge de travail représente une année avec un objectif aussi élevé ?

C’est déjà beaucoup de réflexion dans un premier temps pour penser les choses, beaucoup de réflexion afin d’aller dans le microdétai­l pour aboutir chaque plat. Ensuite, il faut le transcrire, le faire, puis le transmettr­e. Donc en effet, une première année comme celle-là représente énormément d’investisse­ment.

Quand est-ce que vous allez redescendr­e sur la Côte d’Azur ?

Au mois de mars, je pense, puis certaineme­nt en avril.

Vous allez rester consultant…

Oui, oui…

Pas de déménageme­nt ?

[Rires] Non, non, je reste consultant. J’ai passé mon été dans le sud. Et je reconnais que l’on apprécie la vie ici ! Quand il a fallu remonter sur Paris, cela n’a pas été facile ! Chez vous c’est magique !

Peut-être qu’un jour vous viendrez vous y installer ?

[Sourire] Allez savoir… On ne sait pas ce que la vie nous réserve.

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L’équipe talentueus­e du Louro.

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