Monaco-Matin

« L’ouverture, on n’y croit plus du tout... »

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

« Bonjour monsieur. Elle tourne, la cabine ? » – Non, c’est fermé. »

À cette question, toujours la même réponse. Avec une pointe d’amertume dans la voix. Patrice Torchio, employé aux remontées mécaniques d’Auron, douche l’espoir fugace de deux amoureux de la montagne en mal de cimes. Antoine et Julie Lepot sont montés d’Antibes, s’aérer en chaussures de rando ou en bottines, faute de mieux. « Vous n’avez aucune nouvelle ? » Patrice Torchio hausse les épaules :«Pour l’instant, c’est mal engagé... »

Hier midi à Auron, un soleil radieux inonde la neige à l’éclat insolent. Mais l’ambiance est à la douche froide. Depuis lundi, le gouverneme­nt dame le terrain de l’opinion, préparant aux mauvaises nouvelles. Le spectre d’une « saison blanche » se dessine avec insistance.

«Sinon,çarimeàquo­i?»

« S’ils n’ouvrent pas pour les vacances de février, ça signifie qu’ils n’ouvrent pas de l’hiver, non ? Sinon, ça rime à quoi ? », s’exclame Antoine, 42 ans. Dépité. Avec Julie, 37 ans, il envisage déjà les plans B. Permettre à leurs deux filles de skier, malgré tout, via les clubs sportifs. Et se consoler en raquettes. Ils glissent un mot d’encouragem­ent avant de partir : « On croise les doigts. »

Un coup de théâtre ? Les « pulls rouges » voudraient tant y croire. Mais le coeur n’y est plus.

« Depuis le début, on est pessimiste, soupire Delphine Jonville, 54 ans, moniteur de ski. Les vacances de février, c’est notre plus gros moment de la saison. Si on ne fait pas les vacances, c’est comme si on ne faisait pas la saison. » La précédente, flamboyant­e, avait été stoppée net le 15 mars. Celle-ci pourrait bien ne jamais démarrer, alors que les « conditions sont optimales ! » Le verdict de Delphine est sans appel : «Ça fait deux saisons... foirées ». Pourtant, la monitrice vient de donner la leçon à Evan et Luc, 7 et 8 ans. Ces jeunes Biotois font partie de ces privilégié­s, licenciés en club, qui goûtent aux plaisirs de la glisse cette saison. Il est midi. Derrière eux, la piste des Nabines est déserte. « On a loué Auron !, s’esclaffe le père d’Evan et Luc. On est venus en famille pour les faire skier quand

Michel Fortini et Laurie Planeta ont repris un snack à Auron fin . Ils travaillen­t dans la crainte du reconfinem­ent.

même, en se disant : Ça n’ouvrira peut-être pas. »

Un autre skieur surgit après eux. Tenue noire et bleu turquoise du personnel de la station. C’est Frédéric Gil, le directeur des stations du Mercantour. Prudent, mais « fataliste. On avance pas à pas. Ce que l’on sait, c’est qu’on n’ouvrira pas au grand public. Mais on ne peut pas s’empêcher d’avoir de l’espoir... »

« Il paraît que c’est mort »

L’espoir, Christian Martin l’a laissé derrière lui. Dans le sillage de ses raquettes, « solution extrême » pour cet amateur de ski. « Il paraît que c’est mort, tranche d’emblée ce Laurentin de 75 ans. On est comme tout le monde : on pleure ! »

Christian s’agace, surtout, que l’on « fasse un foin pour le ski, pendant que d’autres se réunissent à 2500 dans un espace confiné, sans cluster à l’arrivée ! » La rave party qui a défrayé la chronique en Bretagne n’a pas échappé à ce retraité.

Ici, pas de foule en vue sur les pistes. Ou alors si, dimanche dernier. « Ce week-end, c’était été noir de monde », reconnaît Laurie Planeta, 32 ans. Avec Michel Fortini, ils viennent de reprendre le snack Auron Petits Pains. Mais de l’afflux subit au confinemen­t soudain, il n’y a qu’un pas. Vite franchi. « Tous les jours, on se demande si on va être confinés ou non. C’est très compliqué question stocks. On essaie de positiver. Il y a du monde qui monte quand même, mais jusqu’à quand ? »

« On est sous perfusion »

Pour ce jeune couple venu du Var, l’enjeu est crucial. Première année d’exploitati­on. Donc pas d’arriéré de chiffre d’affaires. Donc « aucune aide. Nous, il faut que ça travaille. » Tant qu’ils le peuvent, Laurie et Michel servent sandwichs, crèpes et vin chaud à emporter. Tout en gardant un oeil lucide sur les courbes de contaminat­ion au Covid. « L’ouverture, on n’y croit plus du tout... Pour toute la saison. »

Sur la place centrale d’Auron, dans son agence immobilièr­e Foncia, Nathalie Descamps discute de la situation avec Christophe Geslain, venu du Slalom voisin. « Restaurate­ur et en station : carton plein ! » Certes, il y a les aides. « Mais ça ne suffit pas. On est sous perfusion. Le point crucial, ce sera à l’automne... Et mes collègues qui ont les magasins de ski, comment ils vont faire ? »

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(Photo Eric Ottino)

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