Une démarche éthique pour faire face à la crise sanitaire
JEAN LEONETTI
La pandémie de la Covid- relevant du domaine sanitaire, il est logique de lui appliquer les règles morales qui régissent les pratiques médicales comme le respect de la dignité de la personne, la transparence et l’équité. De plus, la démarche éthique est une procédure d’interrogation et de recherche de l’intérêt général particulièrement adaptée à la prise de décisions face aux incertitudes. Le politique, habitué aux affirmations péremptoires, se trouve dans ce type de situation souvent empêtré dans des décisions contradictoires et des volte-face successives qui discréditent sa parole sur un sujet fondamental : ce qui était hier inutile devient indispensable aujourd’hui. L’éthique est aussi l’acceptation d’un conflit de valeurs, le plus souvent entre la liberté individuelle et la protection des plus fragiles, comme c’est le cas dans la pandémie que nous subissons. Jusqu’où et pendant combien de temps sommesnous capables de renoncer à nos libertés pour préserver la vie des plus vulnérables ? Cette interrogation constructive qui permet de peser le bénéfice/risque des décisions n’est pas un obstacle à l’action, elle n’en est que le préalable indispensable. Agir dans l’incertitude, c’est accepter les règles de la démocratie moderne, du débat et de la contradiction, pour parvenir à un choix éclairé. Cependant, dans une société où l’émotion est privilégiée par rapport à la raison, l’immédiat par rapport à la durée et la réaction par rapport à la réflexion, la décision se prend sous la pression des médias et des réseaux sociaux. Comment décider quand la peur domine le débat ? Peur de la maladie et de la mort pour chacun. Peur d’être accusés de ne pas en faire assez pour les politiques ainsi poussés à en faire trop, privilégiant la communication à l’action efficace.
Le peuple, incrédule, constate aussi que la lourdeur administrative de notre système de santé se trouve inopérante face à un fléau qu’il pensait réservé au passé, aux pays lointains ou aux films de science-fiction. Ainsi, le citoyen ne sait plus à quel décideur se vouer et accepte mal des règles qui, dictées par le seul principe d’autorité, lui paraissent peu claires, incohérentes et sans perspectives. Qu’aurons-nous appris de cette crise ? Que des vérités fondamentales ont été oubliées : que la mort est inéluctable et la vulnérabilité liée à notre condition humaine ? Que la politique de santé de la France ne peut pas se limiter à une gestion purement comptable ? Peut-être, nous aura-t-elle aussi appris que la recherche de l’intérêt général, dans les situations complexes, passe plus par les doutes collectifs que par les certitudes individuelles. Elle nous aura aussi enseigné que la seule façon d’échapper à la tyrannie des réseaux sociaux et des chasseurs de scandales est d’instaurer dans la durée une démocratie sanitaire faite de pédagogie et de transparence. La pandémie nous apprend enfin que la liberté dans une démocratie ne peut pas longtemps être mise entre parenthèses et que ce qui peut paraître un temps accessoire, comme les échanges culturels, sociaux ou tout simplement humains, sont, en réalité, essentiels. Elle nous invite à repenser notre action au travers d’une éthique au service de l’efficacité pour rétablir la confiance entre le citoyen et les élus, dans une démocratie moderne et apaisée.