Monaco-Matin

Thomas André entre les lignes

L’Avantage nous plonge dans l’esprit d’un jeune joueur de tennis déjà las, pas vraiment obsédé par la gagne. Dans la torpeur d’un été sudiste, ses sensations, sur et en dehors du court, sont décrites avec grande précision. Belle découverte.

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Thomas André n’a pas encore trente ans. Son personnage principal, tennisman comme il le fut lui-même, a « seize ans, ou peut-être dix-sept ».

C’est flou, à l’image des pensées qui cognent dans le crâne de Marius. Il vient de Lens, il a atterri dans une famille qui l’héberge, le temps d’un tournoi. Il y a Cédric, son pote de circonstan­ce. Plus âgé, vantard, fêtard, soiffard. Rien ne l’arrête, jamais. Il y a Alice, la soeur de Cédric. Parfois, elle rapproche ses jambes dorées de Marius. Elle lui demande de l’emmener quelque part, n’importe où, histoire d’oublier son mémoire et de chasser l’ennui.

Plus las que là

Mais Marius n’est pas vraiment là. « Je n’arrivais pas à exister », dit la première phrase du roman. Elle se rapporte au tennis, ce jeu pour lequel Marius a une forme d’attraction­répulsion. Elle colle aussi au reste de son existence. Comme les autres, il enchaîne les verres de rosé, les longueurs dans la piscine et les virées dans les criques, où les pierres cisaillent le corps, où le sel marin finit par mordre le visage. Sans trop savoir pourquoi. Tout au long de ce roman, à l’écriture simple et pourtant si intense, on est porté par les sensations de ce garçon. Il observe, sent, écoute. Il décrit subtilemen­t le contact des draps avec sa peau, ses frissons nocturnes après un plongeon qui a trop duré, son dégoût pour cette pizza trop grasse.

Ne plus y penser

Et puis, évidemment, il y a le tennis. Ces récits de matchs semblables à des transes. Cette terre battue matraquée sans relâche. Cette lutte mentale entre deux sportifs séparés par un filet, et sans doute par une multitude d’autres choses.

Marius enchaîne les succès sur le court. Pourtant, au détour d’une phrase, puis une autre, il nous fait comprendre que tout cela lui importe peu. Il accueiller­ait même avec soulagemen­t le moment où il pourra décevoir ces suiveurs et amis qui l’observent de l’autre côté du grillage. Quand il remballe ses affaires après une nouvelle victoire, il dit : « L’avantage, maintenant, c’est que je n’avais plus à penser au tennis jusqu’au match suivant. »

Dans L’Avantage, cet été fiévreux est aussi celui des premiers émois. Là encore, Marius est entre deux eaux. Ni totalement désintéres­sé, ni totalement emballé. Intriguant personnage.

 ??  ?? Comme son personnage, Thomas André se fait discret. Il a suivi un master de création littéraire et se passionne pour le lien entre sport et littératur­e. De la boxe, de Joyce Carol Oates, l’a sans doute inspiré.
Comme son personnage, Thomas André se fait discret. Il a suivi un master de création littéraire et se passionne pour le lien entre sport et littératur­e. De la boxe, de Joyce Carol Oates, l’a sans doute inspiré.
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L’Avantage. Éditions Tristram.  pages.  €.

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