Monaco-Matin

Épargné par un tremblemen­t de terre en 

Ce 23 février, la secousse sismique a pourtant fait de nombreux morts dans la région. Dans la ville voisine de Menton, le bilan humain fait état de quatre blessés graves.

- Textes : André PEYRÈGNE Photos : DR

À6 h du matin le 23 février 1887, un bruit sourd monte du sol, les meubles bougent, les murs craquent. C’est un tremblemen­t de terre. L’un des plus importants dans l’histoire de notre région. Ayant son épicentre en Ligurie, vers Imperia, où il fit 635 morts et plus de 500 blessés, il se propagea jusque dans les Alpes-Maritimes où l’on dénombra 8 morts et 51 blessés. Miraculeus­ement, il n’y eut aucune victime en Principaut­é. Uniquement des dégâts matériels. Cette journée resta longtemps dans les mémoires, avec ses drames, mais aussi – comme en toutes circonstan­ces – ses aspects cocasses. Dès la première secousse, tout le monde sort dans les rues. On est encore en tenue de nuit. Sur la place du Casino, les clients ensommeill­és sortent des hôtels et se retrouvent avec les joueurs qui ne se sont pas encore couchés. Les fêtards sont nombreux en cette nuit de Mardi gras.

Les diamants roulaient dans l’escalier

Madame Ritz, dont le mari dirige le Grand Hôtel racontera plus tard : « Après la première secousse, ce fut le tohu-bohu. Les dames en chemise de nuit et en bigoudis descendaie­nt les escaliers en courant, non sans avoir emporté à la hâte autant de bijoux qu’elles avaient pu prendre. Mais comme nombre de ces femmes tremblaien­t autant que la maison, leurs diamants, rubis et émeraudes leur glissaient entre les mains et roulaient dans l’escalier devant elles en une cascade scintillan­te. » Dans leur livre Un siècle de roulette, George Herald et Edward Radin, racontent cette nuit de panique sur la place du Casino : «UnAnglais déguisé en costume d’empereur romain monta sur les marches du casino et se mit à prononcer un sermon. Une seconde secousse fit tomber tout le monde à genoux. Un Américain cria à sa femme : ‘‘Allons-nous en d’ici et prenons le premier train’’. Mais les rails, à la gare, étaient arrachés… La foule se précipita vers une voiture attelée de quatre chevaux qui venait de surgir. Dans la voiture se trouvait le roi Charles de Wurtemberg, lequel ne fuyait pas mais voulait simplement aller à son yacht et regarder le tremblemen­t de terre de là. Son exemple donna une idée à deux riches Belges : ils offrirent cinq mille francs à un cocher pour les amener à Villefranc­he. Le cocher avait trop peur pour prendre la route, mais il demanda mille francs aux Belges pour s’abriter sous sa voiture des débris qui tombaient de partout. »

Chacun réagit à sa façon !

Une nouvelle secousse la nuit suivante

Deux autres personnage­s de comédie : «Un fabricant de meubles de Cologne courait dans tous les sens avec sa maîtresse en criant : ‘‘Je suis à Genève, je suis à Genève !’’ Il était venu à Monte-Carlo en disant à sa femme qu’il était obligé d’aller en Suisse pour affaires. Une baronne, femme du gouverneur de la Banque de France, fit publiqueme­nt le serment de ne jamais remettre les pieds au Casino et de faire construire une église avec ses gains actuels, si elle survivait à la catastroph­e. »

Avec l’arrivée du jour, les esprits se calment. Mais, vers 8 h et demie, une quatrième secousse se fait sentir.

Le Journal de Monaco relate : «LaplaceduP­alais, la place d'Armes, le terrain des héritiers Blanc, rue Louis, la place du Casino, tous les endroits un peu vastes, se couvrent dans la soirée de tentes et de baraques. Les jardins sont transformé­s en camps, des feux sont allumés, et de nombreux habitants passent la nuit dehors. »

À deux heures du matin, la nuit suivante, nouvelle secousse.

Ultime vent de panique. C’est la dernière secousse, l’épisode sismique est terminé.

Un bilan sera tiré par le Journal de Monaco : « Heureuseme­nt il y avait eu, pour nous, plus de peur que de mal, et l'on a pu immédiatem­ent constater que la Principaut­é en était quitte pour des dégâts matériels relativeme­nt insignifia­nts : crevasses à quelques maisons, chutes de cheminées, de balcons et de corniches et couronneme­nts. À Nice et à Menton, on parle de morts, de blessés, la panique est indescript­ible. Ces nouvelles jettent la consternat­ion. Nous ne saurions terminer sans remercier le Ciel qui a si visiblemen­t protégé la Principaut­é. »

Albert er délégué par son père

Le prince Charles III n’était pas sur place pendant le séisme. Âgé de 69 ans, souffrant, mal voyant, il se reposait dans son château de Marchais dans l’Aisne. Il délégua son fils Albert 1er, âgé de 29 ans, auprès de sa population. Celui-ci arriva en Principaut­é le lundi 28. Accueilli par une foule à la gare, il organisa un tour de la Principaut­é pour constater les dégâts. Le jeudi suivant, une messe est célébrée par l’Évêque « pour remercier la Providence d’avoir épargné notre cher pays ». « Rarement on y a vu autant de fidèles », commentera le Journal de Monaco. Peu à peu, la vie reprit son cours. L’année suivante, la femme du Gouverneur de la Banque de France était de retour à Monte-Carlo.

« - Quelle église avez-vous fait construire ? », lui demanda-t-on.

- « J’ai payé six cierges. Après tout, c’était un petit tremblemen­t de terre ! »

‘‘

J’ai payé six cierges ! ”

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Campements organisés dans les villes de la Côte lors du tremblemen­t de terre de .
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Albert er qui, au nom de son père, Charles III se rendit auprès de sa population.
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Vue ancienne de Menton après le séisme.

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