Monaco-Matin

Prendre soin

- C. MARTINAT cmartinat@nicematin.fr

Le bien-être des médecins est indispensa­ble à la qualité des soins. Mais voilà que le burn-out est deux à trois fois plus fréquent parmi eux que dans les autres profession­s. Consciente du problème, l’Union régionale des profession­nels de santé- médecins libéraux de la région Paca a lancé la plateforme Med’Aide destinée à la prévention du syndrome d’épuisement profession­nel. D’abord destinée aux médecins libéraux, elle est désormais accessible à tous les profession­nels de santé. Les explicatio­ns du Dr Marie-Claire Tufféry, membre du groupe de travail Med’Aide.

Pourquoi vous être intéressée à cette question ?

Quand j’ai été élue au Conseil de l’ordre des médecins dans le Var en , j’ai rejoint la commission sociale et découvert que de nombreux confrères délaissaie­nt la partie administra­tive de leur travail.

J’ai cherché à savoir pourquoi. Petit à petit, on s’est rendu compte que le problème était bien plus large et que de nombreux confrères faisaient face à un syndrome d’épuisement profession­nel.

Une étude est venue confirmer ce constat…

Effectivem­ent selon une étude rassemblan­t les témoignage­s de   praticiens hospitalie­rs ou en ambulatoir­e, publiée en  par deux psychiatre­s de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, près d’un médecin français sur deux souffre de burn-out, syndrome qui se manifeste par une lassitude, une perte du sentiment d’accompliss­ement et/ou une déshumanis­ation du soin. La crise Covid a aggravé les choses : de plus en plus de profession­nels craquent.

Comment expliquez-vous un tel phénomène ?

Bien sûr les profession­nels de santé sont au contact de la souffrance et c’est déjà un stress. Mais ils doivent aussi gérer une pression administra­tive qui n’a fait qu’augmenter au fil des années : on demande des résultats comptables à des gens qui soignent l’humain. Ils doivent faire avec un système de soins complexe et aussi gérer une entreprise. Or à la faculté de médecine on n’apprend pas la gestion ! On n’apprend pas non plus à déléguer… Et puis les médecins sont de moins en moins nombreux, ils doivent souvent refuser des patients et parfois faire face à leur pression. Sans compter qu’il y a de plus en plus de plaintes.

Quelles conséquenc­es pour ces soignants en souffrance ?

On se retrouve avec des gens qui négligent la partie administra­tive et des cabinets qui vont jusqu’à la faillite. On a aussi des personnes qui souffrent d’addictions, ou de troubles de l’énergie, un état qui peut évoluer éventuelle­ment vers la dépression, voire conduire au suicide.

Quelles solutions proposez-vous avec Med’Aide ?

On veut prendre soin de ceux qui soignent, les alerter et leur dire qu’il y a des solutions, quelle que soit la nature de leurs problèmes. La plateforme recense les ressources disponible­s et on a aussi mis en place une hotline. On peut les orienter vers un audit organisati­onnel s’il s’agit de les aider à mieux gérer leur activité ou prendre en charge le côté émotionnel avec une aide psychologi­que ou médicale, en cas d’addiction par exemple.

Est-il facile de faire passer ce message aux soignants ?

C’est très difficile ! Il faut déjà faire entendre qu’on ne se soigne pas bien soi-même ! Ce sont des gens qui ont fait de longues études difficiles, ils n’imaginent pas ou ne se donnent pas le droit d’être en situation de fragilité. Il faut rompre l’isolement, en parler avec un collègue, trouver des solutions. Chaque soignant doit être informé et peut jouer le rôle de guetteur veilleur. Nous organisons des soirées d’informatio­n pour les sensibilis­er à la problémati­que pour eux-mêmes et pour qu’ils soient capables d’en repérer les symptômes chez un collègue et de l’orienter vers les solutions existantes.

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