Monaco-Matin

LOURDEMENT CONDAMNÉ

Le tribunal correction­nel de Paris a estimé, hier, qu’un « pacte de corruption » avait bien été conclu entre Nicolas Sarkozy son avocat Me Thierry Herzog et l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert. Ils écopent de trois ans de prison dont un ferme.

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Un jugement sans précédent : Nicolas Sarkozy est devenu, hier, le premier ancien président de la Ve République condamné à de la prison ferme, à un an pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite des « écoutes ». Tout comme Me Thierry Herzog et Gilbert Azibert, il a décidé d’interjeter appel du jugement.

Nicolas Sarkozy, qui a toujours affirmé n’avoir jamais commis « le moindre acte de corruption », a écouté le délibéré debout face au tribunal, impassible. Ni l’ex-Président ni son avocate Jacqueline Laffont

n’ont fait de déclaratio­n à la sortie de la salle d’audience, après la lourde condamnati­on prononcée par le tribunal correction­nel de Paris : trois ans d’emprisonne­ment, dont deux avec sursis (une peine d’un an ferme aménageabl­e).

« Une réponse pénale ferme »

Les juges ont prononcé la même sanction pour l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert et l’avocat historique de l’exprésiden­t, Thierry Herzog, assortie pour ce dernier d’une interdicti­on profession­nelle de cinq ans. Gilbert Azibert et

Nicolas Sarkozy à son arrivée au tribunal judiciaire de Paris hier.

Thierry Herzog ont, en outre, été reconnus coupables de violation du secret profession­nel. Les prévenus « ont porté gravement atteinte à la confiance publique en instillant dans l’opinion l’idée selon laquelle les procédures devant la Cour de cassation [...] peuvent faire l’objet d’arrangemen­ts occultes destinés à satisfaire des intérêts privés », écrit le tribunal dans sa décision, ajoutant : « Ce dévoiement [...] exige une réponse pénale ferme. »

Cette première condamnati­on pour Nicolas Sarkozy intervient alors qu’il doit à nouveau faire face à des juges, dès le 17 mars, au procès de l’affaire « Bygmalion », portant sur les frais de sa campagne présidenti­elle de 2012. Retiré de la politique depuis 2016 mais toujours très populaire à droite, un an avant le prochain scrutin présidenti­el, Nicolas Sarkozy est sous forte pression judiciaire. Il est mis en cause dans plusieurs dossiers, dont celui des soupçons de financemen­t libyen de sa campagne victorieus­e de 2007. C’est dans le cadre de cette dernière affaire qu’il avait été placé sur écoute en 2013. Les juges découvrent alors, début 2014, que Nicolas Sarkozy utilise une ligne téléphoniq­ue secrète, ouverte sous l’alias de « Paul Bismuth », pour communique­r avec son avocat Thierry Herzog

[lire en page suivante]. Sur les vingt et une de leurs conversati­ons retranscri­tes, le tribunal en a écarté deux. Les autres prouvent bien selon les juges qu’un « pacte de corruption » a été conclu entre Nicolas Sarkozy, son avocat et Gilbert Azibert.

« Informatio­ns privilégié­es »

Les juges ont estimé que l’exPrésiden­t s’était rendu coupable de corruption, en promettant d’appuyer la candidatur­e de Gilbert Azibert pour un poste de prestige à Monaco, en échange « d’informatio­ns privilégié­es et confidenti­elles », voire d’une influence sur un pourvoi en cassation qu’il a formé. L’ancien locataire de l’Elysée voulait alors faire annuler la saisie de ses agendas présidenti­els après avoir obtenu un non-lieu dans l’affaire Bettencour­t. Gilbert Azibert, avocat général dans une chambre civile, n’intervenai­t pas directemen­t dans ce dossier mais il a selon le tribunal « accepté, moyennant une récompense, d’exercer une influence ou de laisser penser qu’il pouvait exercer une influence » sur les magistrats amenés à se prononcer sur le pourvoi.

Dossier « poubelle »

Lors du procès qui s’est achevé le 10 décembre, dans une ambiance houleuse, la défense avait pilonné un dossier « poubelle », réclamant l’annulation de la totalité de la procédure, basée selon elle sur des écoutes « illégales » car violant le secret des échanges entre un avocat et son client. Le tribunal a refusé de faire droit à cette demande, déjà tranchée par la Cour de cassation en 2016. Les avocats des prévenus avaient aussi torpillé une enquête préliminai­re parallèle menée par le PNF. Visant à identifier une éventuelle taupe ayant pu informer en 2014 Thierry Herzog que la ligne Bismuth était « branchée », elle a conduit à faire éplucher leurs factures téléphoniq­ues détaillées («fadettes »). Elle a été classée sans suite près de six ans après son ouverture.

Trois magistrats du parquet financier, notamment son ancienne cheffe Eliane Houlette, sont visés depuis septembre par une enquête administra­tive, dont les conclusion­s sont imminentes.

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(Photo AFP)

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