La directrice du Musée national passe la main
La directrice du Musée National quitte ses fonctions à la fin du mois, après douze ans d’action pour développer la place des arts plastiques dans le pays. Une mission accomplie à sa façon.
Quand on lui demande si elle s’est toujours sentie libre, elle répond « bien sûr ! », comme une évidence. « C’est au-delà de mon caractère, ça provient de mon éducation, mais aussi des gens que j’ai rencontrés, mes professeurs, mes patrons qui m’ont toujours laissé faire. C’est la chance principale que j’ai eue, de ne pas avoir de barrières, ou alors de pouvoir les sauter ». Sauter les barrières et les conventions, ça ressemble bien à MarieClaude Beaud. Elle assume son franc-parler et son caractère bien trempé. Ça ne fait pas toujours l’unanimité mais c’est indissociable du personnage.
« Sortir Monaco de son cocon »
À l’heure de dresser son bilan après douze années à la tête du Nouveau Musée National de Monaco, l’action de Marie-Claude Beaud aura été de placer la Principauté sur la carte du monde artistique. C’était sa volonté à son arrivée au printemps 2009 : donner une image forte aux arts plastiques dans le pays. Mission réussie ? « Oui, nous avons avancé là-dessus, en consacrant des expositions importantes à des artistes vivants. Il ya cette habitude ici, comme dans beaucoup d’endroits, de refuser le XXIe siècle au niveau artistique. Avec mon équipe, nous avons réussi à avancer sur des sujets parfois touchy. Avec la volonté de sortir Monaco de son cocon, de donner une autre image à l’international, où la Principauté pouvait être vue simplement comme une banque ».
Si les arts vivants, musique et danse en première ligne, ont toujours eu leurs lettres de noblesse dans le pays, les arts plastiques étaient plus confidentiels. La touche de Marie-Claude Beaud a été d’aimanter des créateurs internationaux de divers horizons pour qu’ils s’intéressent à Monaco et à l’opportunité de venir y montrer leur travail. Mais aussi valoriser les collections patrimoniales du pays, pour mettre en lumière une histoire de l’art à Monaco.
Et pour cela, il a fallu déranger parfois (souvent) l’ordre établi. Comme la décision tranchée de remiser la collection de poupées de la villa Sauber à son arrivée, qui a heurté. « C’est un peu brutal d’avoir enlevé cette collection qui était en place depuis des années, que tous les résidents de la Principauté avaient visitée, mais c’était nécessaire car la collection n’était pas restaurée et elle avait besoin de soins ».
Un dialogue avec le patrimoine
En 2009, le projet d’un grand musée national bâti sur l’extension en mer, avait déjà du plomb dans l’aile. La contrainte de la directrice aura été pendant douze années de s’adapter aux mètres carrés restreints mis à disposition. À la Villa Sauber d’abord. Puis à la Villa Paloma, sauvée de la destruction et inaugurée il y a onze ans pour être le phare du NMNM. « L’idée d’un grand musée m’aurait intéressé, il aurait fallu avoir plusieurs jambes et plusieurs bras, mais finalement j’ai mis plus d’énergie à essayer d’ouvrir les collections. Nous sommes partis de l’histoire de ce pays pour s’im- planter. Quand on me dit que je n’ai fait que de l’art contemporain, c’est mal connaître ce qu’on a fait : Hercule Florence, Eugène Frey, Monacopolis, et d’autres expositions ont été un dialogue avec le patrimoine ».
À Sauber, l’envie était de pouvoir créer un lieu pour mettre en scène les arts du spectacle et l’immense collection des costumes et décors d’antan de la Société des Bains de Mer. « Un travail formidable a été réalisé au fil des années par les conservateurs et ce rapport aux arts du spectacle est extrêmement important dans l’histoire de la Principauté. J’espère qu’il y aura un jour la possibilité d’avoir des mètres carrés pour montrer la collection, que les gens se rendent compte de sa richesse ».
« Diriger un musée, ce n’est pas être conservateur uniquement »
Un projet, comme d’autres, qui sera pris en mains par Björn Dahlström, qui succédera à Marie-Claude Beaud le 1er avril.
« Diriger un musée, ce n’est pas être conservateur uniquement. C’est ce qui change beaucoup du monde précédent des musées. Il s’agit aussi de faire venir des gens pour travailler sur des projets, comme nous avons pu le faire de façon régulière pendant douze ans. D’avoir cette liberté de partir du patrimoine pour avancer sur le présent. Travailler avec des artistes vivants ça apprend beaucoup, surtout dans leur regard sur le passé. J’ai toujours pu faire ce qu’on m’a permis de faire, mais aussi ce que j’ai proposé. Terminer ma carrière comme ça, c’est au-delà de la chance ».
Et boucler la boucle d’un parcours artistique entamé en 1969 au musée de Grenoble aux côtés de Maurice Besset. « Un homme ouvert sur plein de choses, grâce à qui j’ai rencontré un monde que je ne connaissais pas tout à fait ».
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L’idée d’un grand musée m’aurait intéressé”
Désormais, Marie-Claude Beaud entend toujours d’explorer d’autres univers. Et curieusement pas dans le domaine artistique. «Mon envie est de m’intéresser aux problèmes de l’adolescence et de la post-adolescence. D’aider les jeunes à définir leurs vraies envies, de voir leurs manques et de pouvoir les aider à les combler. C’est la chose qui m’intéresserait le plus ».
Le monde culturel, elle continuera de le suivre d’un oeil, « je viendrais aux événements mais je vais me couper des conseils d’administration et autres ». Celle qu’elle ne quittera pas des yeux, c’est la Méditerranée. Plus depuis son repère capd’aillois mais depuis Toulon, où elle a choisi d’élire domicile désormais. Et sans surprise, dans un immeuble à quelques pas du musée de la ville qu’elle dirigea dans les années 80. Bon sang ne saurait mentir !
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Travailler avec des artistes vivants, ça apprend beaucoup”