Monaco-Matin

« En Méditerran­ée, les cétacés sont en danger »

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Biologiste marine et directrice de l’associatio­n Miraceti dont l’objectif est d’approfondi­r la connaissan­ce des cétacés et de favoriser leur conservati­on, Hélène Labach est la spécialist­e qu’il fallait avoir pour dresser un état des lieux sur la situation de ces mammifères marins en Méditerran­ée...

Y a-t-il beaucoup d’échouages de dauphins en Méditerran­ée ?

En ce moment, il existe une grosse problémati­que liée à une interactio­n avec les profession­nels de la pêche en Atlantique. En Méditerran­ée, ce constat est beaucoup moins aigu, mais on relève des échouages régulièrem­ent, de l’ordre d’une centaine par an, toutes espèces confondues. En revanche, on ne note pas de pic particulie­r par rapport aux moyennes habituelle­s.

Quelles sont les causes de ces échouages ?

Ils ne sont pas tous la conséquenc­e d’une mortalité naturelle, même si des épidémies dues au morbillivi­rus, ont touché les dauphins « bleu et blanc ». En Méditerran­ée, on a identifié que, sur les trois dernières décennies,  % des grands dauphins échoués présentaie­nt des évidences d’interactio­n avec des bateaux de pêche.

Un problème qui touche davantage le golfe de Gascogne...

Cela est le fait de différence­s notables dans le type de pêcherie et d’espèces ciblées, ainsi que d’une superposit­ion forte entre les zones de nourrissag­e des dauphins communs et les zones de pêche, notamment pendant la période hivernale. Dans le golfe de Gascogne, de nombreux chalutiers et les fileyeurs opèrent à cette époque et ces engins sont peu sélectifs. En Méditerran­ée, les chaluts sont moins nombreux, même s’il y en a un peu dans le golfe du Lion et les espèces ne sont pas les mêmes. Aujourd’hui, on ne rencontre quasiment plus de dauphins communs, autrefois très fréquents le long du littoral français. Cette espèce est en danger en Méditerran­ée. Et l’une des hypothèses avancées pour expliquer ce phénomène, est la surpêche et la diminution de la ressource.

Le morbillivi­rus devient-il plus actif au fil du temps ?

Pas forcément. En fait, c’est difficile à dire parce que nous ne possédons des données récurrente­s que depuis les années quatreving­t-.

Et on a constaté trois épidémies sur les trente dernières années.

En Méditerran­ée, quels sont les lieux d’échouages généraleme­nt constatés ?

Sur tout le littoral. Cela dépend de la météo et du vent.

Que faire pour éviter l’hécatombe ?

C’est fonction des espèces. Les grands cétacés et les cachalots par exemple, sont victimes de collisions avec les gros navires. On essaie donc de les limiter en sensibilis­ant les armateurs. Il y a aussi le sanctuaire Pelagos [Ndlr, un espace maritime de

  km² faisant l’objet d’un accord entre l’Italie, Monaco et la France pour la protection des mammifères marins qui le fréquenten­t] et nous animons le dispositif Repcet® (repérage en temps réel des cétacés) qui permet de localiser les grands cétacés et de transmettr­e l’info en temps réel. Notez que la loi française rend désormais obligatoir­e la présence à bord des navires d’un dispositif de limitation des collisions. Nous, on contribue à déployer ce dispositif et on forme le personnel navigant à l’identifica­tion des espèces. Concernant les dauphins et l’interactio­n avec les activités de pêche, la problémati­que est mondiale et beaucoup d’ONG travaillen­t dessus pour des résultats qui ne sont pas si évidents.

L’État met aussi en place des mesures…

Effectivem­ent, mais vu l’ampleur du phénomène en Atlantique, je ne suis pas sûre que l’on arrive à résoudre le problème dans les temps. Ce qui m’inquiète, c’est qu’aucune mesure ne va dans le sens d’une limitation des activités de pêche.

En fait, le seul dispositif permettant de limiter les captures est le répulsif acoustique, un appareil qui émet des sons pour prévenir les dauphins de la présence de filets.

Mais on va rajouter du bruit dans la mer qui est un élément déjà très bruyant, sachant que les cétacés y sont très sensibles parce que le son, l’acoustique, est l’un de leurs sens principaux. Cela risque de perturber leurs communicat­ions.

Finalement, que serait l’idéal pour sauvegarde­r toutes ces espèces ?

Que l’on arrête de pêcher de façon aussi intensive, aussi industriel­le. Que l’on stoppe les prélèvemen­ts trop importants et que l’on encourage la pêche locale qui n’est pas guidée par les grands marchés de consommati­on mondiale. Tant que l’on ne sera pas capable d’instaurer une pêche durable, on ne réglera pas le problème. Et cela ne concerne pas que les dauphins, mais aussi les oiseaux, les requins, les tortues, etc.

Les cétacés sont réellement en danger aujourd’hui ?

Oui. En Méditerran­ée, nous avons huit espèces résidentes – avec des souspopula­tions spécifique­s – qui n’ont plus d’échanges avec l’Atlantique. Deux sont en danger, trois sont vulnérable­s et pour les trois autres, nous n’avons pas suffisamme­nt de données car on ne les rencontre pas assez fréquemmen­t pour évaluer leur statut.

Il y a donc une vraie urgence à faire quelque chose mais pas que pour les cétacés. Tout l’écosystème de la Méditerran­ée est sous pression et comme il s’agit d’une mer semi-fermée, elle est beaucoup plus sensible au changement climatique. Tout s’accumule.

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(Photo M. S.) Hélène Labach prévient : « Les cétacés sont en danger. »

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