« Mon DRH est un robot qui me paye comme un Chinois .... »
« Mon DRH est un robot et, en plus, il me paye un salaire de Chinois...», ironise Hassan. À 32 ans, ce livreur antibois aux 4 323 courses a décidé d’entrer en résistance. Il y a quelques jours, il a déposé un recours devant le tribunal des prud’hommes de Nice contre la plateforme de livraison Uber Eats.
L’algorithme qui isole
La raison : son compte a été bloqué. Du jour au lendemain. Hassan exhibe portant le tableau de ses performances de livreur « modèle », tel que régulièrement mis à jour par l’algorithme de la plateforme américaine : «98% de satisfaction et 100 % de livraisons effectuées. »
Le motif de son exclusion par Uber Eats, il croit le connaître : «Ilsemblerait qu’on me reproche qu’une ou deux de mes livraisons ne soient pas arrivées en bon état... Un ou deux sur plus de 4 000 ! J’aurais renversé un peu de soupe chinoise ? ! ? Le hic, c’est que mes notes, attribuées par les restaurateurs et les clients et surtout validées par la plateforme, disent le contraire. Mais voilà, mon supérieur direct est un robot et avec les robots tu as toujours tort. »
Hassan n’est plus le seul à remettre en cause les conditions de travail, imposées par les géants de la livraison.
À Lyon, livreur lui-même, Ludovic Rioux recense depuis quelques mois au nom du Collectif national syndical des livreurs CGT, les affaires d’infractions présumées au droit du travail dans ce secteur en pleine expansion : « Nous avons à faire la plupart du temps à des jeunes gens qui, d’abord, n’ont aucune culture syndicale et qui, de surcroît, sont livrés à eux-mêmes, sans recours en cas d’exclusion dès lors qu’ils ne sont considérés - au regard de leur statut d’autoentrepreneur - que comme de simples prestataires de services. Leur supérieur hiérarchique direct est un algorithme, ce qui favorise leur isolement. Notre combat c’est d’arriver à démontrer qu’ils sont tous des salariés déguisés. »
La révolte des « tâcherons . » ?
Si l’armée des livreurs - plus de 70 000 en France - n’entend pas encore ériger des barricades devant les McDo ou les Burger King pour alerter l’opinion sur son quotidien de « tâcherons 2.0 », des poches de résistances commencent à se faire jour.
Ainsi, le 22 janvier à Reims, se faire livrer un hamburger ou un repas italien à domicile est devenu impossible.
Comme un seul homme les 500 livreurs Uber Eats et Deliveroo de la capitale du champagne se sont mis en grève.
Trois jours. Motif : les niveaux de rémunération : « Un des copains de Reims nous a raconté que, la veille du mouvement, il avait enchaîné six courses pour gagner au final un peu moins de 12 euros. » Certains n’hésitent pas à parler d’esclavage moderne. Les plateformes s’en défendent, estimant que nul n’oblige personne à s’inscrire en tant que livreur sur leur site. Pour autant, le 25 novembre dernier, un groupe de livreurs lyonnais et soixante-six ex-livreurs de la plateforme Frichti ont ester en justice demandant la requalification de leur relation avec Uber Eats, Deliveroo, Frichti et Stuart, en contrat de travail.