La face cachée de la livraison à domicile
Info ou intox, les légendes urbaines sont légion sur ce nouveau job de cavalier urbain de la livraison. L’ubérisation de l’économie est le terreau soit d’extrapolation, parfois de détournement réel de ces nouveaux métiers qui échappent au droit du travail traditionnel.
Uber « shit » aussi
Le métier de livreur peut servir de couverture à l’économie parallèle. Ce n’est pas une vue de l’esprit mais un constat des forces de police. Le confinement y a participé. Quand le deal de rue devient compliqué pour cause d’interdiction totale de circuler comme au printemps dernier ou de mise sous cloche à partir de 18 heures, certains réseaux de trafiquants ont sauté sur l’aubaine de ce « laissez-passer » dont jouissent les livreurs à domicile. Le sac isotherme que trimballent les livreurs sur leur dos peut alors receler du haschich, de la cocaïne qu’on livre à domicile. Reprenant les codes visuels d’Uber Eats, un gang lyonnais avait, en novembre dernier avant d’être démantelé, créé une structure UberSheat reliée à un compte Snapchat et livrait sur tout Lyon des pizzas... planantes.
Des caïds de la sous-traitance
Si les plateformes font la chasse à cette pratique illégale de la sous-traitance des comptes, le phénomène a tendance à s’amplifier, créant une sorte de sous catégorie de livreurs, esclaves consentant de la sur-uberisation. Explication : pour décrocher un compte chez Uber Eats ou sur d’autres plateformes internationales de livraison à domicile, il faut se soumettre à quelques vérifications : être majeur, fournir un extrait de casier judiciaire vierge et, si vous optez pour un scooter à la place du vélo, être titulaire d’une licence de capacité professionnelle en transport routier léger qui, elle, ne s’obtient qu’au terme d’une formation professionnelle de dix jours.
Ce sésame-là n’est pas à la portée de tout le monde. Et il sert parfois de monnaie d’échange permettant de « sous-louer » sous le manteau des licences de livreur : « Si tu as cette capacité de transport et que tu veux te la couler douce, tu t’inscris sur une des plateformes. Si elle t’ouvre un compte, tu le sousloues. À Nice, je connais deux mecs qui font ça : tu leur payes une rente de 200 euros par semaine, voire 300 euros ou 400 euros l’été et tu bosses à leur place », raconte un représentant transport de la CGT.
Le hic, c’est que ces livreurs fantômes qui, parfois sont mineurs, ne sont absolument pas couverts en cas d’accident.