Monaco-Matin

Il prend un taxi jusqu’à Saint-Tropez... sans payer

Tribunal correction­nel L’affaire est revenue à l’audience afin de constater le versement de 1800 € dus au chauffeur. Le prévenu, en proie à des difficulté­s financière­s, a obtenu un sursis

- JEAN-MARIE FIORUCCI * Assesseurs : Aline Brousse et Franck Vouaux.

Un « saigneur » de la grivèlerie, avec vingt et une mentions sur son casier judiciaire, dont quatorze pour filouterie, devait comparaîtr­e à l’audience afin de prouver sa bonne foi. En octobre dernier, le tribunal correction­nel lui avait laissé un délai de six mois pour s’acquitter d’une somme de 1 800 euros allouée à la partie civile. La dette concernait l’ensemble des préjudices réclamés par un chauffeur de taxi en règlement de diverses courses entre Nice, Monte-Carlo et Saint-Tropez. Mais ce pique-assiette profession­nel était absent. Il avait confié à son conseil le soin de le représente­r pour plaider ses difficulté­s financière­s et un ajournemen­t de la peine. Il n’était pas question toutefois d’attendre quand les poules auront des dents, pour le président Florestan Bellinzona. Il clouait le bec à toutes velléités défensives en condamnant le prévenu à deux mois assortis du sursis, liberté d’épreuve avec l’obligation de rembourser au cours des dix-huit prochains mois.

« Un abonné au profit délictuel »

En résumé, dans la nuit du 1er septembre 2018, une personne hélait un taxi au niveau de l’Hôtel de Paris pour rejoindre Nice. Une fois dans la limousine, il demandait de faire un détour par un palace du Larvotto afin de récupérer des bagages. Finalement, il voulait rejoindre Saint-Tropez. Le chauffeur lui précisait toutefois le prix réclamé pour pareil trajet. Qu’importe le montant, quand on n’avait pas l’intention de s’en acquitter ! Une fois à destinatio­n, en effet, le client avait oublié son chéquier dans un établissem­ent de la cité corsaire. Alors, il ouvrait sa valise et il s’absentait en assurant de son retour imminent. Au bout de deux heures le persifleur avait disparu. Heureuseme­nt, bagages et passeport étaient restés dans le véhicule. Un moyen idéal pour le retrouver…

À la barre, la victime réclame toujours son dû. Il a juste reçu 300 euros depuis 2018 ! Comment contraindr­e cet individu, habitué des faits de grivèlerie, infraction intermédia­ire entre le vol et l’escroqueri­e, à honorer sa dette ? Le premier substitut Cyrielle Colle perçoit dans les doléances exprimées « une situation pour éviter encore une fois de payer. L’homme s’est abonné au profit délictuel au point d’en faire son quotidien. »

« Je vous demande d’’espérer »

La parquetièr­e a requis finalement un mois d’emprisonne­ment avec sursis, liberté d’épreuve et un délai de dixhuit mois, à raison de 100 euros par mois pour rembourser le chauffeur. La défense a rejoint l’analyse du ministère public. C’est-à-dire la prise de conscience du danger de la répétition, se sortir du cercle infernal de la grivèlerie et s’acquitter de la dette. Alors, Me Arnaud Cheynut trouve les mots de l’entendemen­t pour patienter, atténuer, obtenir une once de clémence. « Mon client est dans une situation financière catastroph­ique. Il n’a aucun emploi stable. À cela s’ajoutent des difficulté­s psychologi­ques. Personnage atypique, il vous a pourtant compris en versant 300 euros à la victime après sa condamnati­on. Je vous demande d’espérer ! Il n’a vraiment pas les moyens. Il vient même d’être condamné récemment à Gap pour une infraction identique. Aidez-le…»

Le tribunal après avoir délibéré, a accru le quantum de la peine à deux mois, toujours assortie du sursis, de liberté d’épreuve et étalé sur dix-huit mois le versement de 1 800 euros au chauffeur de taxi floué.

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(Illustrati­on J.-F.O.) Le prévenu n’a jamais réglé toute la course Monaco-Saint-Tropez.

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