Monaco-Matin

« La seule solution est de produire massivemen­t des logements à loyers modérés »

Florent Houdmon, directeur régional de la fondation Abbé-Pierre

- Recueilli par C. M.

Défendre les mal logés. C’est la mission de la fondation AbbéPierre. L’associatio­n reconnue d’utilité publique siège d’ailleurs au comité régional de l’habitat et de l’hébergemen­t chargé d’évaluer, avec le préfet, le respect de la loi SRU. Et le constat est sans appel : les Alpes-Maritimes sont à la traîne sur les objectifs de production de logements sociaux 2017-2019. Et la crise sanitaire pourrait creuser encore plus le déficit « s’il n’y a pas d’électrocho­c », selon Florent Houdmon, directeur régional de la fondation Abbé-Pierre.

Quelle est la situation dans les Alpes-Maritimes ?

On a une image d’Épinal du littoral azuréen, mais en réalité, la population est très inégale. Le taux de pauvreté est plus haut que la moyenne. La population modeste est la plus importante. Il faut la loger. Le problème, c’est que le départemen­t est l’un des endroits les plus chers de la région. Le taux d’effort [le rapport entre la somme des dépenses liées à l’habitation principale et les revenus des ménages] est plus important qu’à Paris. Des familles doivent s’entasser à quatre, six ; dans des petits appartemen­ts. Parfois des taudis. Des mères seules ne peuvent pas payer leur loyer et finissent expulsées. Ça arrive tous les jours, malheureus­ement.

Beaucoup de maires disent que la loi SRU est déconnecté­e de la réalité. Qu’en pensez-vous ?

L’argument avancé est souvent que les objectifs sont inatteigna­bles. La loi Littoral, les zones inondables, les reliefs et le coût du foncier les empêchent de construire. C’est

« entendable », mais d’autres régions comme la BourgogneF­ranche-Comté sont dans le même cas et produisent quand même. La loi SRU a d’ailleurs un très bon bilan. Sur -,  % des objectifs ont été atteints au niveau national. Mais il y a des mauvais élèves. En Paca,  % des communes n’ont pas assez construit parce qu’il y a un manque de volonté politique et du retard. Le problème c’est que beaucoup de maires ont préféré développer le tourisme plutôt que le logement social. Et aujourd’hui, ils payent le retard accumulé sur vingt ans. C’est le casà Nice.

Nice n’a pas eu de majoration. Du mieux ?

Ça s’était amélioré. Il y a eu une prise de conscience avec Dominique Estrosi-Sassone [adjointe déléguée au Logement de  à  aujourd’hui sénatrice et conseillèr­e municipale] .Onavait constaté un début rattrapage. Mais là, le bilan triennal est en demi-teinte. Pour nous, Nice n’a pas fait d’efforts et aurait dû être carencée. Elle n’a que  % de logements sociaux et son objectif triennal atteint seulement  %. De plus, le taux de tension, calculé en fonction du nombre de demandeurs et de logements sociaux obtenus, est l’un des plus mauvais. Le troisième après les Dom-Tom et

Monaco-Menton. À Nice, il est de  pour ,. Ça veut dire qu’il faut attendre en moyenne une dizaine d’années avant d’obtenir un logement social.

Alors que le besoin est urgent. Plus encore avec la Covid ?

La vocation d’un logement social est d’aider les plus modestes. Ceux qu’on appelait « les héros de la crise sanitaire ». Ceux qui exercent des métiers essentiels et qui ont été davantage exposés au virus avec leurs familles. Il y a aussi ceux qui ont perdu une partie de leurs revenus, comme les entreprene­urs ou les saisonnier­s, et qui pourraient bientôt être à la rue. Beaucoup de personnes qu’on ne connaissai­t pas sont venues demander de l’aide pour payer leur loyer ou de quoi manger. La situation des étudiants est catastroph­ique. Il y a une nouvelle précarité qui explose. Pourtant, les objectifs  de la loi SRU se sont effondrés. En Paca,  % n’ont pas été remplis. C’est un record à la baisse historique dû à la crise sanitaire et aux élections municipale­s. Mais s’il n’y a pas d’électrocho­c, le prochain bilan risque d’être terrible.

De quels leviers disposent les communes ?

L’accueil des plus riches et des touristes n’est pas rentable dans le temps. La seule solution est de produire massivemen­t des logements à loyers modérés. D’ailleurs, les communes peuvent récupérer intégralem­ent leurs pénalités si elles ont accompli leurs objectifs ou pour faire du logement social. Le foncier n’est pas un frein. Les maires peuvent très bien préempter et construire dans de l’ancien, agir aussi pour encadrer les locations Airbnb qui sont un fléau, encadrer les loyers pour le parc privé et inscrire l’obligation de construire des logements sociaux dans le plan local d’urbanisme. Et, surtout, respecter la loi SRU qui rééquilibr­e les territoire­s.

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