Monaco-Matin

Eugénie Béziat

- LAURENCE LUCCHESI llucchesi@nicematin.fr

S «on prénom même, Eugénie, peu répandu chez les trentenair­es, la distingue déjà. J’ai été baptisée ainsi en l’honneur d’une grand-mère qui allait en cure thermale à Eugénie-les-Bains. Grands amateurs de gastronomi­e, mes parents s’y sont rendus à leur tour. C’est là qu’ils ont rencontré Michel Guérard, dans son restaurant triplement étoilé Les Prés d’Eugénie …» Un signe du destin !

Née en 1983 à Libreville, d’une maman pied-noir d’origine espagnole et d’un père dont la famille a vécu au Sénégal, Eugénie Béziat est singulière, également, par son enfance. Celle d’une fille d’expatriés, qui a vécu jusqu’à l’âge de dix-huit ans au Gabon, au Congo puis en Côte d’Ivoire. « Je suis une Africaine », sourit-elle. Une identité évoquée par le mur « dune de sable » l’un des éléments de déco qui attirent l’oeil lorsqu’on pénètre à La Flibuste, à Villeneuve-Loubet, le restaurant de Roger Martins, où ce petit bout de femme au joli minois officie comme cheffe depuis trois ans et auquel elle a rapporté une étoile au Guide Michelin en 2020. « Une consécrati­on, la réalisatio­n d’un rêve de gosse, se souvientel­le. Je l’ai appris par téléphone un soir à vingt heures, en début de service. Je me suis efforcée de rester concentrée jusqu’à la fin, avant d’annoncer la nouvelle et de tomber dans les bras de Roger et de ses fils ! Un moment magique. » Venue tardivemen­t au monde de la gastronomi­e, après un bac littéraire et des études, à Toulouse, de langues étrangères appliquées, c’est au sortir d’un repas d’anniversai­re chez Hélène Darroze, offert par ses parents pour ses vingt ans, qu’Eugénie a une révélation : « L’huître à la pomme Granny Smith, mariant le goût iodé à l’acidulé, m’a procuré une vive émotion. Cela m’a totalement emporté. J’ai su que je voulais faire cela, devenir cheffe à mon tour. »

Sans s’embarrasse­r de considérat­ions quant au fait que le cercle des femmes cheffes étoilées est limité encore aujourd’hui à une trentaine d’élues sur les 638 figurants au Guide Michelin, Eugénie fonce. Prête à déployer des montagnes d’énergie, de courage et de passion. Avec un leitmotiv : être crédible ! Partie en Allemagne, c’est dans un restaurant français qu’elle y fait ses armes, avant de passer un BTS hôtellerie-restaurati­on. Revenue à Toulouse, elle est embauchée au restaurant gastronomi­que Le 7 ,où elle passe par tous les postes. Puis elle postule chez Michel Guérard… Qui valide ! Retour dans les Landes, en tant que commis. « C’était une organisati­on militaire, ça a été très dur. Mais j’y ai touché du doigt la rigueur, l’exigence, on m’y a formée à l’excellence. » Le chef Michel Sarran, à Toulouse, lui permet de peaufiner son savoir-faire dans son deux étoiles, avant qu’elle n’ose enfin s’exprimer chez le chef étoilé Yann le Scavarec, en Corse, à SaintFlore­nt, pendant trois ans. C’est à ce moment-là que Roger Martins, dont le chef Jean-Claude Plais s’apprête à partir à la retraite, fait appel à elle. Après quelques hésitation­s, Eugénie se laisse convaincre. Séduite par la dimension humaine du propriétai­re de La Flibuste et par la possibilit­é qui lui est faite d’apposer son empreinte à un restaurant, cette fois en tant que cheffe. Dotée d’un tout nouvel outil, le restaurant faisant l’objet, sur ses recommanda­tions, de nombreux travaux et investisse­ments.

Passionnée par les beaux produits, fine technicien­ne toujours en recherche d’alliances nouvelles, Eugénie Béziat, rejointe par le chef pâtissier Pascal Picasse, y propose une nouvelle carte pleine de trouvaille­s gourmandes. Telles que le ris de veau céleri boule de Provence ou la pêche au poids en déclinaiso­n. Articulée autour des quatre éléments : le feu, l’air, l’eau et la terre. La traduction de l’engagement de la cheffe en faveur d’une cuisine soucieuse de l’environnem­ent et la défense des production­s locales. Une reconnaiss­ance méritée !

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