Monaco-Matin

Jalouser les coachs d’autres sports ? Chacun est à sa place”

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE­R ROUX croux@nicematin.fr

Qu’est-ce qui t’anime dans ta mission au quotidien ?

Mon moteur n’est pas le travail tactique. Je suis quelqu’un d’entier, je donne et j’attends la même chose en retour. Ce qui me plaît, c’est l’approche humaine. Je suis plutôt là-dedans. On peut faire un parallèle entre mon métier et celui de psychologu­e. Il faut comprendre les personnali­tés. J’aime aussi l’adrénaline avant les matchs, qu’on se sorte les tripes. On n’a pas de temps à perdre, la vie passe vite et il faut vivre au présent et se battre tous les jours. Je veux qu’on donne le maximum

As-tu des modèles, d’autres coachs qui t’inspirent ?

Non, je fonctionne différemme­nt. Je ne sors pas d’une école. Pour moi, l’école, c’est celle de la vie. Je suis autodidact­e. J’écoute, j’observe, j’échange et je prends ce qui m’intéresse. Il n’y a pas une personne qui m’inspire.

Tes joueurs viennent des quatre coins de la planète. Comment gère-t-on un groupe où les langues et les cultures diffèrent d’un élément à l’autre ?

C’est ça qui est intéressan­t. Parfois, deux joueurs viennent d’un même pays mais ne se ressemblen­t pas d’une région à l’autre. Je le vois avec les Slovaques de l’équipe par exemple. Il faut jouer au médiateur au quotidien. La vie d’un vestiaire, ce n’est pas tranquille. Les joueurs vivent du hockey et ils n’ont pas vraiment les mêmes intérêts que toi. Il faut faire des concession­s entre les uns et les autres. Comme dans la vie de tous les jours, il y a de l’égoïsme et il faut trouver le juste milieu, faire en sorte que cet égoïsme ne passe pas au-dessus du groupe.

D’anciens joueurs du club m’ont dit que tes mots pouvaient parfois dépasser ta pensée…

On peut parler de maladresse­s quant à la teneur de certains propos. Maintenant, je cherche toujours quelque chose à piquer. Le joueur peut le prendre mal au départ, mais avec du recul et du temps, il peut me dire que je lui ai ouvert les yeux. C’est vrai que quand j’ai quelque chose en tête, je ne peux pas le cacher, il faut que ça sorte. Est-ce que c’est toujours une bonne chose ? Aujourd’hui, j’aurais tendance à dire oui, mais si d’autres ont pensé le contraire, c’est que j’ai dû les blesser et je m’en excuse. Je ne suis pas quelqu’un de méchant dans le fond et les conflits me pèsent. Ça me fait mal de faire mal mais ne pas agir est pire pour le groupe.

Le hockey n’est pas le sport le plus médiatique, as-tu déjà jalousé les coachs d’autres sports comme ceux du football ?

Joueurs et coachs peuvent rêver en regardant d’autres sports. Se dire que certains n’auront plus besoin de travailler après leur carrière, mais je crois qu’on est tous à notre place. Dans le hockey aussi, des joueurs et des entraîneur­s gagnent beaucoup d’argent aux Etats-Unis ou en Russie. Quand vous n’avez pas réussi à atteindre ce niveau ou que ce niveau ne correspond pas à votre caractère, difficile d’être jaloux. Là-haut, la vie n’est pas simple. Récemment, j’ai vu un doc sur la vie de Maradona.

Il ne pouvait même pas sortir tranquille­ment, tout le monde lui sautait dessus. Ça doit être affreux. Tout a un prix dans la vie et je ne suis pas envieux. Ce qu’on fait à notre niveau me comble et ce que je gagne me convient largement.

Tu n’es pas entraîneur à temps plein, tu es aussi gardien d’immeuble dans le civil. C’est une situation atypique dans le sport de haut niveau…

C’est atypique à Nice, oui. Les autres clubs de Magnus ont des entraîneur­s profession­nels. Ce ne sont pas des millionnai­res mais ils vivent correcteme­nt de leur métier. Devenir salarié du club est une question qui s’est posée quand on est montés en Ligue Magnus

(le plus haut niveau français, en ), mais si je faisais ce choix, on se privait de trois joueurs.

J’ai préféré bâtir et structurer. Et puis en  ans de gardiennag­e, je me suis fait des amis que je suis toujours content de côtoyer.

Le NHE joue parfois tous les trois jours, comment t’y prends-tu pour ne pas négliger la vie de famille ?

Je suis un privilégié. Mon épouse sait que mon bien-être passe par le hockey. Il n’y a pas de tensions entre nous. Elle m’épaule et prend sa place. Elle est formidable. Je lui rends, comme je le rends à mes enfants. C‘est sûr que je ne suis pas omniprésen­t, mais l’être ne peut-il pas être nocif ? Dans un couple, il faut un équilibre pour que chacun s’épanouisse et je pense qu’on l’a trouvé.

OEil de coach

Après Alex, Y’a qu’à demander et Declics, Nice-Matin a lancé son nouveau podcast : OEil de coach. Pensé par la rédaction des sports, ce format vous emmène au coeur des vestiaires. Au contact des entraîneur­s profession­nels. L’objectif ? Comprendre la complexité de la fonction avec les spécialist­es de la région. De longs entretiens découpés en quatre thèmes à retrouver toutes les semaines sur notre site et les différente­s plateforme­s d’écoute (Apple, Deezer, Spotify…). Au-delà de la dimension tactique des discipline­s, les coachs se penchent sur l’aspect humain. Et se livrent comme rarement...

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