Monaco-Matin

Droguée au GHB à son insu : ‘‘Je veux que la vérité éclate’’

Sa soirée du nouvel an a viré au cauchemar. Une trentenair­e raconte son calvaire et son parcours du combattant pour obtenir un test de la ‘’drogue du violeur’’. Une enquête est ouverte.

- THOMAS HUET thuet@nicematin.fr

C’était le 8 mars dernier, plus de deux mois après ce Nouvel an qui hante encore Léna(1), une Raphaëlois­e de 35 ans. Deux mois après ce « cauchemar sous forme de trou noir » , elle a enfin reçu les résultats d’analyses qu’elle s’escrime à obtenir depuis le 1er janvier.

Un document du laboratoir­e d’addictolog­ie biologique et toxicologi­que de l’hôpital L’Archet à Nice atteste : 22,4 mg/l de GHB décelés

(2) à la faveur un prélèvemen­t urinaire.

« Je n’ai jamais baissé les bras, je vais me battre et je veux que la vérité éclate, clame Léna, des trémolos dans la voix. Je le fais pour moi, mais aussi et surtout pour celles qui auraient vécu le même traumatism­e et qui hésitent à parler ». Son test positif dans la poche, elle est retournée au commissari­at de police pour déposer plainte (lire cidessous) et livrer son témoignage. Glaçant.

❒ La soirée du nouvel an

« Je suis arrivée à une soirée chez des amis dans un appartemen­t à Fréjus, vers 18 h. Nous étions six au total : un couple, trois autres personnes que je connais depuis des années et moi. Nous avons bu l’apéritif, et je sais qu’il y a eu changement de bouteille de rosé. J’ai bu trois ou quatre verres(3), chose que je fais régulièrem­ent le week-end. Ce soir-là, je devais faire le repas, tout allait bien. Soudain, en préparant une sauce, ma tête s’est mise à tourner, cela m’a fait comme un nuage noir, un voile sur les yeux, des étourdisse­ments. J’étais comme ‘‘pétée’’ alors je suis allée m’asseoir à la table. Et ensuite, c’est le trou noir... Aux dires des autres convives, voilà ce qu’il se serait passé : j’aurais dit n’importe quoi à la fin du repas et me serais disputée avec eux. Je me serais levée de table avant de faire un malaise. J’aurais passé une heure sur le balcon et l’un des hommes aurait commencé à m’embrasser [...] Il m’aurait ensuite conduit dans sa chambre, m’allongeant sur le lit. En voyant cela, l’un des convives aurait mis les autres en garde, intervenan­t car il se passait quelque chose d’anormal. Après, je ne sais plus, toujours est-il que, vers 6 h du matin, je me suis réveillée, en sursaut, dans le lit marital de cet homme qui avait le doigt dans ma bouche et me caressait le visage. J’ai fait cesser les gestes et demandé ce que je faisais ici. Je sais qu’il n’y a pas eu de rapports sexuels car j’étais habillée intégralem­ent comme la veille au soir. Les autres m’ont ensuite dit : ‘‘tu vois, tu as bu, tu es contente de ce que tu as fait’’. J’étais bizarre avec des sensations étranges, comme si j’avais été droguée... ».

❒ Le er janvier

« Le matin, quand j’ai évoqué le fait d’aller faire des tests à la recherche de drogues, mes ex-amis m’ont dit qu’on ne trouverait rien. Je suis donc allée au commissari­at après avoir tenté, en vain, de faire une prise de sang à l’hôpital Bonnet. J’ai fait une main courante et on a effectué un test salivaire qui s’est avéré négatif. Malgré les recommanda­tions qui m’avaient été faites, je suis retournée à l’hôpital qui ne voulait pas me faire de prise de sang, disant que l’on ne trouverait rien, alors que ça pétillait dans mon corps(4). À force d’insister, j’ai réussi à faire faire des analyses d’urine. 48 heures après, les résultats sont encore revenus négatifs ».

❒ Deux mois d’attente

« Durant une semaine après le réveillon, je n’étais pas bien, j’avais des montées de chaleur, j’ai fait trois crises de tachycardi­e. Surtout, je me sentais abusée, manipulée. C’est dingue d’avoir des trous noirs et de ne pas savoir. Mais je suis une battante, alors, sur les conseils d’une amie, j’ai demandé à l’hôpital de Fréjus d’envoyer mes tests urinaires au laboratoir­e d’addictolog­ie de l’hôpital L’Archet à Nice. Après plusieurs relances, j’ai enfin eu les résultats, le 8 mars dernier. J’avais bien du GHB dans le sang ! Je ne suis pas une droguée, d’ailleurs les tests n’ont révélé aucune trace de drogues, à part le GHB ».

❒ Aller jusqu’au bout

« J’ai déposé une plainte contre mes anciens amis pour tentative de viol, administra­tion de substance nuisible à mon insu et abus de confiance. Avec mon assurance ‘‘protection juridique’’, je compte bien aller au bout. Je pense surtout à ces femmes qui ont peut-être été abusées sexuelleme­nt et n’osent pas franchir le cap de l’action juridique ».

1. Son prénom a été volontaire­ment modifié pour préserver l’anonymat.

2. Dixit le ministère de la Santé, le GHB (gammahydro­xybutyrate) est une drogue de synthèse aux propriétés sédatives et amnésiante­s, généraleme­nt vendue sous forme de cachets, de poudre soluble ou liquide. Utilisé en médecine pour le traitement de la narcolepsi­e et comme anesthésia­nt préopérato­ire, le GHB connaît depuis une vingtaine d’années une utilisatio­n détournée à des fins non médicales.

3. Le test urinaire effectué à l’hôpital a effectivem­ent révélé la présence de 0, 76 g d’alcool par litre de sang.

4. La direction de l’hôpital n’a pas donné suite à notre sollicitat­ion.

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(Photos Clément Tiberghien) Une Raphaëlois­e de  ans raconte son parcours du combattant pour faire éclater la vérité sur sa soirée du nouvel an, durant laquelle elle aurait été droguée avec du GHB.
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Le test urinaire envoyé à l’hôpital l’Archet de Nice : positif au GHB.

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