Monaco-Matin

Kevin et Karine, proxénète et prostituée « par nécessité »

Deux jeunes Niçois du quartier Saint-Roch en galère ont choisi la prostituti­on pour s’en sortir. Un choix qui a valu hier soir à Kevin, 22 ans, coupable de proxénétis­me, six mois de prison et un mandat de dépôt.

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr * Les prénoms ont été modifiés

Karine (*), 20 ans, a le visage et les cheveux fatigués d’une jeune fille en galère qui a connu la rue. Seule, sans avocat sur le banc des parties civiles, elle semble perdue. Pendant au moins quatre mois, elle s’est prostituée. Son petit copain, Kevin, 22 ans, sans emploi, postait des annonces sur les réseaux sociaux. Il recevait les appels des clients et gérait l’argent du ménage. Un jour, un homme a refusé d’avoir un rapport sexuel avec la jeune femme. Il lui a donné 20 € pour le déplacemen­t. Kevin s’est mis en colère et a menacé le client. Il espérait récupérer 130€.

« Tous les jours je lui disais d’arrêter », affirme mollement le jeune homme qui dit avoir pris conscience, en garde à vue dans les locaux de la police, de la gravité de la situation. Tirer profit de la prostituti­on, cela s’appelle du proxénétis­me, un délit passible de sept ans de prison. « Je n’approuvais pas ce qu’elle faisait », jure-t-il devant le tribunal correction­nel.

Le couple s’est retrouvé à la rue à l’automne 2020, vivant au jour le jour, dormant dans la voiture de Kevin quand il n’avait pas les moyens de se payer une nuit d’hôtel. « On était dans une impasse. Il fallait dormir et manger. J’aime le sexe. J’ai décidé de faire ça» , explique Karine avec une fausse candeur qui met mal à l’aise.

Trois ans de prison requis

Est-ce le syndrome de la femme battue qui culpabilis­e et cherche des excuses à son bourreau ? « J’ai été un an sans revenu. Aujourd’hui, je m’en veux, c’est impardonna­ble », confie-t-elle au président Edouard Levrault. Le magistrat note que devant les enquêteurs, le discours de la jeune femme était bien plus dur envers son ex-compagnon. « C’est quelqu’un que j’ai aimé », livre Karine comme seule explicatio­n de son revirement. Elle réclame la somme dérisoire de 100 € en réparation de son préjudice moral. Meggie Choutia, procureure de la République, hausse le ton : « L’achat de cadeaux par Kevin T. pour ses proches avec l’argent de la prostituti­on ne sont pas des achats de première nécessité. » La magistrate constate « une forme de banalisati­on de la prostituti­on ». « Il dit désapprouv­er mais il jouait pourtant le rôle d’intermédia­ire et vivait à ses crochets. »

Lourd passé judiciaire

Trois ans d’emprisonne­ment sont requis au regard « de la gravité des faits et du passé judiciaire de Kevin ». A 22 ans, il présente déjà vingt-neuf mentions à son casier dont une vingtaine quand il était adolescent, essentiell­ement pour des vols.

Depuis qu’il a cessé ses études à la fin du collège, il admet être oisif. Il explique être en train de s’installer comme livreur de repas à domicile. Son défenseur, Me Bertrand Bermondy en est persuadé : « Ce garçon est sauvable. » « Il n’y a aucun risque de réitératio­n puisqu’il n’est plus avec Karine mais avec une autre jeune femme insérée », souligne l’avocat qui insiste sur « le contexte » de ce dossier. « Il était avec Madame en situation d’errance. Ils ont fait les mauvais choix. Je ne sollicite pas la relaxe, les faits sont constitués, mais évitez lui la prison par une peine aménageabl­e », suggère Me Bermondy. Le tribunal entend en partie l’avocat en prononçant une peine inhabituel­lement clémente dans ce type d’affaire : six mois de prison. Mais la peine est à exécuter immédiatem­ent. Kévin reste en détention. Karine, en sortant du palais de justice, paraît toujours aussi perdue.

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(Photo A.-B.J.) Karine s’est prostituée pendant six mois. « Pour manger et avoir un toit », a déclaré à la barre du tribunal Kevin.

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