Monaco-Matin

« C’est dur, mais on essaie d’être courageux...»

- A.R.

Ce mardi, Marie-Grâce Frasca aurait dû commémorer l’anniversai­re de la mort de son père. Mais la stèle de ce dernier, comme celles de sa mère et de ses grandspare­nts, a disparu lors de la tempête Alex.

Au total, neuf de ses proches se sont évaporés une seconde fois lorsque la Bieugne est montée en crue. Comme beaucoup de familles de Saint-Dalmas, souligne la Tendasque de 74 ans.

« Je ne peux plus aller au cimetière maintenant. C’est trop dur. J’y arriverai peut-être quand ma soeur de Milan viendra. Je l’attends. Des fois, je vois des engins à godets qui s’activent de loin. Mais je ne sais pas ce qu’il s’y passe », commente-t-elle. Encore très marquée par les événements, au point de se réveiller la nuit. Et de penser régulièrem­ent, quand elle voit l’eau couler devant chez elle, que les corps ont dû passer par là.

L’une des dernières à avoir vu le cimetière avant Alex

La destructio­n du cimetière est d’autant plus dure pour les habitants que sa constructi­on était récente. Pour la plupart, les personnes enterrées n’étaient donc pas de lointains aïeux. « J’avais 12-13 ans quand il a été construit », souligne Marie-Grâce. Ajoutant : « Je dois être une des dernières à m’être rendue au cimetière avant qu’il ne soit emporté par les eaux. Je suis née le 1er octobre et j’ai coutume d’aller voir mes parents pour mon anniversai­re…» D’après elle, tous les habitants du hameau ont « pris un coup ». Tous ceux qui avaient coutume, année après année, de se retrouver au cimetière le 1er novembre.

« J’écoute les dames qui y sont retournées depuis la tempête. L’une d’entre elles est habituée à promener son chien. Quand elle a vu que le cimetière ne donnait plus sur rien, elle a dû trouver un endroit où s’asseoir », poursuit Marie-Grâce. Indiquant qu’une autre femme qu’elle connaît a trouvé deux corps dans son jardin… «Ce village et ce cimetière, ce sont nos racines. Tout un pan de notre histoire disparaît », souffle la Tendasque.

Pour la plupart, les familles de

Saint-Dalmas sont arrivées des quatre coins de l’Italie en 1900, explique-t-elle. À l’époque où les grands travaux nécessitai­ent de la main-d’oeuvre. « Nous, c’est pour l’usine électrique qu’on est venus. »

Six mois après, les gens du village parlent encore beaucoup de la catastroph­e quand ils se rencontren­t. Même si c’est avant tout le fait de se remémorer les nombreux souvenirs en commun qui leur met du baume au coeur. « Nous avons eu une jeunesse merveilleu­se. On allait souvent chez les curés. Le premier directeur de l’usine EDF avait décidé d’offrir du chocolat aux plus petits pour Noël. Je devais avoir 4 ou 5 ans, et après la guerre croyez-moi que c’était énorme comme cadeau. La SNCF, elle, nous faisait aller au cinéma », relate Marie-Grâce.

Une rivière qui a perdu tout son charme

Une stèle pour commémorer les défunts disparus ? Tout le monde en souhaite une, assure-t-elle. Soulagée de savoir que le cimetière sera refait sur place.

« Cela prendra du temps, il y a beaucoup d’autres choses à reconstrui­re avant. Le risque, et j’en ai peur, c’est que l’on retrouve des choses dans la rivière d’ici là. On essaie d’être courageux », chuchote-t-elle. Consciente qu’il faudra réussir à tourner la page. Apaisée quand elle voit la jeunesse s’activer dans la vallée pour aller de l’avant.

« Nous, on a plus tellement d’années devant nous. Mais quoi qu’il en soit, il faut faire quelque chose. Tant qu’on a la santé. »

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annonce le maire de Tende, Jean-Pierre Vassallo.
(Photo Dylan Meiffret) « Nous allons refaire le cimetière. On estime le coût à  millions d’euros », annonce le maire de Tende, Jean-Pierre Vassallo.
 ?? (Photo archives Jean-François Ottonello) ?? « Ce village et ce cimetière, ce sont nos racines. Tout un pan de notre histoire disparaît », souffle
Marie-Grâce quelques mois après la catastroph­e.
(Photo archives Jean-François Ottonello) « Ce village et ce cimetière, ce sont nos racines. Tout un pan de notre histoire disparaît », souffle Marie-Grâce quelques mois après la catastroph­e.

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