La boutargue
L’odeur est saisissante dès que l’on passe le pas de la porte du laboratoire de fabrication de So Boutargue, à Cotignac. Shilo, petit gars de quinze jours à peine, tranquillement installé dans sa poussette, s’en est déjà parfaitement accommodé. Entre deux tétées matinales, sa mère fabrique ici ce « caviar de Provence » qui inonde le marché mondial avec So Boutargue. « J’exporte en Italie, aux États-Unis, à Hong Kong etc. », relève la jeune maman.
C’est une envie de femme enceinte qui est à l’origine de l’entreprise So Boutargue. Spécialité culinaire méditerranéenne à base d’oeufs de mulets recueillis dans leur poche, lorsque les femelles sont pleines. Un caviar provençal qui fait sensation pour qui aime le poisson.
Installée en Israël où elle travaille dans le conseil financier, maman d’un jeune Ariel (cinq ans aujourd’hui), Élodie est enceinte de son deuxième enfant – une fille – lorsqu’elle éprouve l’envie de manger de la boutargue. Avec des parents nés en Algérie, des grandsparents qui en fabriquaient, la jeune femme connaissait le produit. « Mais je la voulais moins salée et plus sèche que celle que l’on pouvait trouver dans le commerce… » La jeune femme avait envie de fraîcheur et « de moins fort en goût. » Elle peine à en trouver et lorsque sur le port d’Ashdod, elle trouve des poches d’oeufs de mulets sauvages, elle décide de se lancer dans la fabrication… En appelant son père pour obtenir la recette familiale !
La recette d’Élodie ? Les oeufs de mulets sont salés, « nous utilisons du sel bio de Camargue. On les fait dégorger dans l’eau pendant plusieurs heures avant d’enlever les petites aspérités, les écailles... Puis, on rince évidemment ». Suit enfin le séchage, ici naturel.
C’est le matin de bonne heure que la jeune femme et ses trois salariés se retrouvent au laboratoire pour préparer les boutargues. Les oeufs de mulet arrivent congelés à la fabrique depuis la Mauritanie, le Sud Maroc etc. : « La boutargue se travaille quand il fait frais. On va les décongeler à 4 degrés, et les préparer ainsi à la fraîche. Ensuite on fait sécher » . En la matière, «on s’adapte à la demande de notre clientèle, pour le moelleux ou le sec… » Reste ensuite l’affinage – et l’ajout des saveurs – dont elle préserve les secrets de fabrication, avant que la boutargue soit placée sous vide. Les boutargues natures sont, elles, également entourées d’une cire alimentaire, cela permet une plus longue conservation du produit. « Nous avons une date limite de consommation de nos produits de six mois. »
La recette rencontre le succès auprès d’un magazine féminin qui en fait l’éloge. Et marque un tournant dans le développement de So Boutargue. « Alors mon père, qui habite à Carcès, nous a proposé de revenir en France pour développer l’entreprise. » Frustrée de ne pas pouvoir boire de l’alcool pendant la grossesse, elle décide d’affiner les boutargues dans des eaux-de-vie comme le pastis, le whisky ou la boukha. « On a le parfum sans avoir l’alcool… » Depuis, son mari fait des allers-retours entre le Var et Israël pendant que la jeune chef d’entreprise multiplie les filières de développement : différents parfums de boutargues – harissa, sumac, citron confit –, en mode mini ou maxi… De la poudre de boutargue pour aromatiser vos plats de pâtes par exemple, vos sauces ou encore pour réaliser les fameuses pasta à la Bottarga. Mais aussi une huile d’olive encore, So Liv’, affinée et parfumée de boutargue. « Nous travaillons avec un jeune oléiculteur de Cotignac », assure encore Élodie, qui ne manque pas d’idées. De nouvelles saveurs devraient étendre la gamme dans les mois à venir. Gingembre, truffe, fleur d’hibiscus...
Comptez en moyenne 28 euros pour une boutargue de 200 grammes, 10 euros les minis et 30 euros pour les boutargues aromatisées de 200 grammes.
Pour l’anecdote, sa fille Liv, est née rousse comme une boutargue. L’huile d’olive lui est dédiée.