« On n’a pas eu le temps de gérer notre deuil » Roquebillière,
Dès les jours suivant la tempête Alex, l’association Anfan, basée à a repris ses activités d’accueil d’enfants. Bien qu’ils aient perdu leurs terrains et leur ferme pédagogique.
Agnès Cornillon ne cesse de s’excuser. Le couloir en chantier, le café soluble… « C’est vraiment de l’accueil de camping, c’est du provisoire », culpabilise-t-elle. Il n’y a pourtant pas de quoi. Depuis six mois, la directrice d’Anfan consacre toute son énergie à maintenir l’activité de cette association, basée à Roquebillière et vitale pour la vallée de la Vésubie.
Le siège social de l’association, la ferme pédagogique, ainsi que les terrains, ont été avalés par la tempête. Depuis, elle a la tête dans le guidon. Et tient sur un fil. « On n’arrive pas non plus à surmonter, mais on se dit qu’avec le temps, ça ira, ditelle, les larmes aux yeux. On ne se pose pas trop de questions sur ce qu’on a vécu. Ça fait six mois qu’on travaille, qu’on avance. On n’a pas pris le temps de gérer notre deuil. »
Aucun répit
Née en 1992, l’Anfan était un projet de famille. Une ferme pédagogique, qui s’est progressivement tournée vers le périscolaire, l’accueil des enfants le mercredi et pendant les vacances, au point de développer des antennes à Lantosque et SaintMartin-Vésubie. Aujourd’hui, la « maison mère » a été engloutie. Les ânes, les poneys, le cheval ont été évacués de justesse. Les oies ont été libérées. Mais tous les animaux n’ont pas survécu. « On a perdu notre mascotte : le cochon Saucisson. Ça a énormément blessé les enfants. »
Et tout le reste a été avalé. Et pourtant, il n’y a pas vraiment eu de répit. « La tempête, c’était vendredi soir, raconte la directrice. Le lundi, on a été off, on ne comprenait pas ce qui se passait. Mais, dès le mardi matin, on a repris nos activités. On a accueilli tous les enfants possibles, pour permettre aux parents de s’organiser. »
« C’est un travail de forcené »
Il y a eu un premier mois dans des bungalows. Et depuis novembre, les voilà dans l’ancien collège de Roquebillière. Une autre solution temporaire. Normalement inadaptée pour des groupes de 30 à 40 enfants. « On a demandé des sanitaires en plus. Mais dans un espace comme ça, on pourrait accueillir maximum 5 enfants. Niveau protocole sanitaire ou de sécurité, on ne respecte rien. Les autorités ont conscience du problème. »
La charge est lourde, d’autant qu’il y a la face invisible. « Notre gros travail, ça a été la continuité de l’accueil. Mais il faut reconstruire l’association : comptabilité, contrats, factures… Tout est parti.
On doit rappeler tout le monde, c’est un travail de forcené. »
Ce qui lui permet de tenir ? Les soutiens venus de partout. Communes, associations, individus… «Je suis épatée de cet élan. Après la catastrophe, je me suis demandé si je devais continuer ou pas. Mais quand on voit tout ce monde, on ne peut pas dire qu’on arrête. »
Installation à Berthemontles-Bains le mai
C’est d’ailleurs de nouvelles mains tendues qui lui donnent des perspectives. L’association La Semeuse doit leur prêter des locaux adaptés, à Berthemont-les-Bains. Emménagement prévu le 19 mai. Pour s’adapter à cette localisation plus excentrée, l’association devrait acquérir un minibus. Le Lions-Club local en a financé une grande partie. Le reste fait l’objet d’une cagnotte.
« Ça fait du bien au moral. C’est pour du moyen terme. Les parents sont contents qu’on ait de l’espace. Pour l’instant, on est à l’intérieur ou sur le parking… Et surtout, les locaux seront adaptés, tout bêtement. Ça nous enlèvera les problèmes de sécurité, de restauration… » Une chose est sûre, l’Anfan, qui compte aujourd’hui neuf salariés, n’aura plus jamais le même visage. Finie la ferme pédagogique. «On se posait déjà la question d’arrêter cet aspect-là. Quelque part, on est content que ça se soit fait de manière naturelle. C’est un projet familial, je n’aurais pas aimé porter la responsabilité de cette décision ».