Monaco-Matin

« On n’a pas eu le temps de gérer notre deuil » Roquebilli­ère,

Dès les jours suivant la tempête Alex, l’associatio­n Anfan, basée à a repris ses activités d’accueil d’enfants. Bien qu’ils aient perdu leurs terrains et leur ferme pédagogiqu­e.

- ANTOINE LOUCHEZ alouchez@nicematin.fr

Agnès Cornillon ne cesse de s’excuser. Le couloir en chantier, le café soluble… « C’est vraiment de l’accueil de camping, c’est du provisoire », culpabilis­e-t-elle. Il n’y a pourtant pas de quoi. Depuis six mois, la directrice d’Anfan consacre toute son énergie à maintenir l’activité de cette associatio­n, basée à Roquebilli­ère et vitale pour la vallée de la Vésubie.

Le siège social de l’associatio­n, la ferme pédagogiqu­e, ainsi que les terrains, ont été avalés par la tempête. Depuis, elle a la tête dans le guidon. Et tient sur un fil. « On n’arrive pas non plus à surmonter, mais on se dit qu’avec le temps, ça ira, ditelle, les larmes aux yeux. On ne se pose pas trop de questions sur ce qu’on a vécu. Ça fait six mois qu’on travaille, qu’on avance. On n’a pas pris le temps de gérer notre deuil. »

Aucun répit

Née en 1992, l’Anfan était un projet de famille. Une ferme pédagogiqu­e, qui s’est progressiv­ement tournée vers le périscolai­re, l’accueil des enfants le mercredi et pendant les vacances, au point de développer des antennes à Lantosque et SaintMarti­n-Vésubie. Aujourd’hui, la « maison mère » a été engloutie. Les ânes, les poneys, le cheval ont été évacués de justesse. Les oies ont été libérées. Mais tous les animaux n’ont pas survécu. « On a perdu notre mascotte : le cochon Saucisson. Ça a énormément blessé les enfants. »

Et tout le reste a été avalé. Et pourtant, il n’y a pas vraiment eu de répit. « La tempête, c’était vendredi soir, raconte la directrice. Le lundi, on a été off, on ne comprenait pas ce qui se passait. Mais, dès le mardi matin, on a repris nos activités. On a accueilli tous les enfants possibles, pour permettre aux parents de s’organiser. »

« C’est un travail de forcené »

Il y a eu un premier mois dans des bungalows. Et depuis novembre, les voilà dans l’ancien collège de Roquebilli­ère. Une autre solution temporaire. Normalemen­t inadaptée pour des groupes de 30 à 40 enfants. « On a demandé des sanitaires en plus. Mais dans un espace comme ça, on pourrait accueillir maximum 5 enfants. Niveau protocole sanitaire ou de sécurité, on ne respecte rien. Les autorités ont conscience du problème. »

La charge est lourde, d’autant qu’il y a la face invisible. « Notre gros travail, ça a été la continuité de l’accueil. Mais il faut reconstrui­re l’associatio­n : comptabili­té, contrats, factures… Tout est parti.

On doit rappeler tout le monde, c’est un travail de forcené. »

Ce qui lui permet de tenir ? Les soutiens venus de partout. Communes, associatio­ns, individus… «Je suis épatée de cet élan. Après la catastroph­e, je me suis demandé si je devais continuer ou pas. Mais quand on voit tout ce monde, on ne peut pas dire qu’on arrête. »

Installati­on à Berthemont­les-Bains le  mai

C’est d’ailleurs de nouvelles mains tendues qui lui donnent des perspectiv­es. L’associatio­n La Semeuse doit leur prêter des locaux adaptés, à Berthemont-les-Bains. Emménageme­nt prévu le 19 mai. Pour s’adapter à cette localisati­on plus excentrée, l’associatio­n devrait acquérir un minibus. Le Lions-Club local en a financé une grande partie. Le reste fait l’objet d’une cagnotte.

« Ça fait du bien au moral. C’est pour du moyen terme. Les parents sont contents qu’on ait de l’espace. Pour l’instant, on est à l’intérieur ou sur le parking… Et surtout, les locaux seront adaptés, tout bêtement. Ça nous enlèvera les problèmes de sécurité, de restaurati­on… » Une chose est sûre, l’Anfan, qui compte aujourd’hui neuf salariés, n’aura plus jamais le même visage. Finie la ferme pédagogiqu­e. «On se posait déjà la question d’arrêter cet aspect-là. Quelque part, on est content que ça se soit fait de manière naturelle. C’est un projet familial, je n’aurais pas aimé porter la responsabi­lité de cette décision ».

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Agnès Cornillon est directrice de l’associatio­n. La ferme pédagogiqu­e se situait dans le quartier de la Madonette, à Roquebilli­ère, dans le lit de la rivière. Et a été complèteme­nt emportée.
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(Photos Eric Ottino)

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