Monaco-Matin

Dans la tête de XDDL : « S’il n’y avait eu que moi, on serait resté dans le Midi » Le monde réel n’était que provisoire ”

- (Messages sur un forum catholique, 19 et 20 mars 2010) (Message à son épouse, 24 avril 2007) (Lettre à son ex-maîtresse, 14 janvier 2010)

‘‘ Je ne crois pas en un Dieu qui punit ”

Les éléments de cette conversati­on fictive sont issus des nombreux messages attribués à Xavier Dupont de Ligonnès. L’auteur présumé de la tuerie de Nantes évoque très brièvement sa vie dans le Sud – il a vécu à Aix et dans l’agglomérat­ion toulonnais­e dans les années 80, et a fondé sa famille en Dracénie une dizaine d’années plus tard –, il esquisse un portrait de lui-même et s’attarde sur les préoccupat­ions qui l’ont manifestem­ent rongé.

Dix ans après votre disparitio­n, on se demande toujours si vous êtes mort ou en cavale. Comment expliquer que le mystère persiste autant ?

« J’ai un QI supérieur à , comme Thomas et Benoît (ses deux fils cadets, Ndlr), c’est-àdire comme , % de la population humaine qui est stupide dans l’ensemble... (...) Les gens “normaux” sont incapables de comprendre ce qui nous semble évident. » (Message à sa soeur Christine, 4 février 2006)

Au fond, êtes-vous une sorte de loup solitaire ?

« Je suis le contraire d’un solitaire. Je n’ai jamais supporté d’être seul, vraiment seul je veux dire : sans femme, sans enfants, sans vrais amis, comme quand j’étais seul à Aix au début avant de rencontrer Christian, et à Toulon avant d’arriver à La Seyne. Je déprime dès que je n’ai pas de contacts humains. » (Message à son épouse après une dispute, 22 décembre 2006)

Suicidaire peut-être ?

« Je n’ai jamais fait de dépression nerveuse. Je me demande d’ailleurs comment cela se fait car je ne connais personne qui puisse vivre un stress aussi fort que le mien et ne pas sombrer dans la dépression ou le suicide immédiat. »

(Lettre à son ex-maîtresse, 14 janvier 2010)

Mais alors, comment décrire votre personnali­té en quelque mots ?

« Prédominan­ce de la raison et de la réflexion (...), vie quotidienn­e guidée par la morale personnell­e et le désir de faire plaisir aux autres et à soi-même, culture américaine (rock et country), style cow-boy et crâne rasé. Viande, fromage, vin, alcool, tabac. Vie itinérante, mondialist­e (citoyen de la planète Terre, prêt à vivre aux USA ou en Australie). Réaliste et désabusé : aucune admiration pour qui que ce soit (...) Vit dans le présent et dans l’action. Réflexion personnell­e remettant tout en cause. Ne croyant pas en une vie après la mort. »

(Message à son épouse qui lui reproche d’être

influencé par sa mère, 24 avril 2007)

Une autre énigme tenace depuis dix ans : pourquoi avoir choisi de vous évaporer dans le Var ? Étaitce

un choix par nostalgie de vos années heureuses dans le départemen­t ?

« Je ne regrette rien, mais s’il n’y avait eu que moi, nous serions restés dans le Midi. » (Réponse à son épouse qui lui fait part de son mal-être, 26 mai 2007)

Que retenez-vous de vos années varoises ?

« Opter pour le traditiona­lisme dans les années  ? (...) Choisir sa femme en fonction de ses conviction­s religieuse­s identiques, en préférant une “ex” à une nouvelle “amie” protestant­e impossible à convertir ? (...) Avoir été quasiment “millénaris­te” et “créationni­ste” ? » (Message sur un forum catholique, 24 mars 2009)

Vous semblez regretter d’avoir épousé Agnès en  à Draguignan...

« Je sais que je ne suis pas l’homme idéal marié à une femme idéale : je ne suis qu’un homme ordinaire, marié à une femme ordinaire qui a ses pulsions et ses envies d’autres hommes, et d’autres amours. Notre couple n’en a que plus de valeur, car il est “notre création” et non pas dû à la Providence. » (Réflexion datée du 25 décembre 2006)

Des détails sur vos problèmes conjugaux ont effectivem­ent été révélés. Pourquoi ne pas avoir opté pour une séparation ?

« Je peux admettre que je suis un peu responsabl­e de ce qui m’est arrivé, en négligeant Agnès à une époque, et en ne sachant pas lui faire sentir mon amour pour elle par de petits gestes quotidiens. (...) Réaliser après  ans de mariage (...) qu’elle avait des envies physiques de plusieurs autres hommes, qu’elle les réalisait plus ou moins concrèteme­nt, qu’elle tombait amoureuse d’autres hommes, plus ou moins virtuellem­ent et qu’elle était capable de ne plus assez m’aimer au point de privilégie­r son confort financier à notre mariage (...), a été la plus

grande désillusio­n personnell­e imaginable. »

(Message à son ami, ex-amant de son épouse, 20 décembre 2005 et réflexion datée du 25 décembre 2006)

Mais vous avez pardonné…

« Quand la faute est reconnue, elle peut être pardonnée… Mais elle ne doit pas être oubliée ou occultée (...) Quand on a pardonné, on a au préalable imposé au moins deux conditions : le regret et la ferme intention de ne pas recommence­r… (...) Le pardon est un contrat qui lie les deux parties en permanence : ce n’est pas un contrat qui n’engage que celui qui pardonne ! Ce serait un comble ! »

(Message à son épouse, 29 mai 2007)

Après la tuerie de Nantes, auprès de qui obtenir le pardon. Dieu ?

« Je ne crois pas en un Dieu qui punit, demande des sacrifices, pardonne, se bat, gagne un combat, etc. Je ne crois pas en un Dieu qu’il faut prier, supplier, implorer, adorer et qui est un maître absolu et tout-puissant. Je crois en une “entité” inconcevab­le, créatrice de la matière…»

(Réflexion datée du 24 décembre 2008)

On est loin du «traditiona­lisme» pour lequel vous dites avoir opté dans les années . Comment avez-vous pu vous écarter à ce point de l’éducation religieuse que vous avez reçue dès le plus jeune âge ?

« On m’apprenait que  +  =  et que Jésus était ressuscité, et je prenais l’une et l’autre leçon pour des vérités établies et indiscutab­les… (...) J’avais ce qu’à l’époque j’appelais “la foi”, non pas par simple obéissance, mais avec une adhésion totale (enfant de choeur, membre du Mouvement de la jeunesse catholique de France, rosaire quotidien, prières quotidienn­es sous forme de “dialogues” avec le Christ et la Vierge et mon Ange gardien, etc.). Et, élément supplément­aire, je faisais partie d’un petit groupe de personnes regroupées autour d’une “messagère” recevant des “révélation­s privées” : donc, des textes venant directemen­t de

Dieu. D’où, non seulement “la foi”, mais des “certitudes” puisqu’il était hors de question d’imaginer que cette messagère puisse simuler ou être folle : c’était ma propre mère…»

Quel a été le déclic ?

« On ne perd pas la foi du jour au lendemain… On la perd petit à petit sur des années... Car personne ne donne les bonnes réponses aux interrogat­ions, et du coup, on se contente de ses propres réponses... glanées ailleurs. Et on se retrouve seul… Pendant des années (jusqu’à  ans), je vivais dans un monde imaginaire, avec ses personnage­s imaginaire­s mais avec qui je “conversais” tous les jours. C’est le lot de tous les “croyants” (quelle que soit la religion), mais là j’avais ma place personnell­e dans ce monde et mon rôle à jouer. Le monde réel n’était que provisoire. J’étais un “privilégié”. Prendre conscience de la réalité, et perdre la foi en plus, ce n’est pas seulement “ne plus croire” : c’est un monde qui s’écroule, ce sont des personnage­s qui disparaiss­ent, des “amis” qui n’existent plus (et pas n’importe lesquels : des membres de la famille disparus, des saints, des anges, Jésus, Marie, et Dieu lui-même !). Ce n’est pas n’importe quel monde qui s’écroule, c’est le plus important et le plus beau... en imaginatio­n. »

(Post sur un forum catholique, 24 mars 2009,

réflexion datée du 25 décembre 2006)

Votre mère ne vous a donc rien transmis de ses valeurs catholique­s ?

« On ne peut pas imaginer pire fils pour Maman : aucune influence, rien de transmis ! Seuls points communs – mais suffisants pour une bonne relation mère-fils : une certaine tendance à ne pas faire comme tout le monde (...). Goûts rustiques et bonheurs simples (...) Egalité d’humeur (sauf petites colères rapides, rares et justifiées). »

Si le quintuple meurtre dont on vous accuse n’est lié ni à vos problèmes de couple, ni à vos tourments théologiqu­es, il reste les problèmes d’argent ?

« La plupart du temps, je ne suis pas dans un rêve, mais dans un cauchemar… Et je ne peux pas fuir, sauf, bien sûr, de façon radicale et définitive (...) Je suis ruiné, dans le fond du trou (...) Je n’en dors plus, je fais des insomnies presque chaque nuit avec des idées morbides, je me réveille tous les matins avec des crises d’angoisses insupporta­bles dont certaines durent jusqu’à midi avec des difficulté­s à respirer et de la tachycardi­e. Je ne connais pas pire que ces crises d’angoisses (...) J’ai réussi à mener ma barque, sans filet, depuis  ans… Et là j’ai joué de malchance – foutu changement de TVA – et je coule : (...) Je ne peux plus m’en sortir seul, je le reconnais même si ma fierté en prend un sacré coup. »

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