Monaco-Matin

Patients sous chimio : surtout ne pas différer la 2e dose de vaccin

Préoccupés par l’absence d’anticorps protecteur­s chez certains patients vaccinés, et déjà sur la piste d’une troisième dose, des oncologues cagnois alertent sur les dangers d’espacer le rappel.

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

La précision était apportée dès le lendemain. Mais déjà trop tard pour prévenir la confusion dans la tête du public.

« À compter du 14 avril, pour toutes les premières injections [de Pfizer ou Moderna], nous proposeron­s un rappel à 42 jours au lieu de 28 actuelleme­nt », annonçait ainsi dans Le Journal du dimanche le ministre de la Santé, Olivier Véran. Objectif : « vacciner plus vite sans voir se réduire la protection », en se référant à l’exemple britanniqu­e. Une informatio­n tronquée, très vite complétée par la Direction générale de la santé qui précisait que les personnes de plus de 75 ans ou immunodépr­imées n’étaient pas concernées par cette modificati­on du schéma vaccinal. Mais pour les cancérolog­ues, l’annonce d’Olivier Véran nécessite d’être rapidement précisée, « alors que des premières études conduites auprès des patients sous chimiothér­apie mettent en évidence une protection réduite contre le coronaviru­s après vaccinatio­n », regrette le Dr Jérôme Barrière, oncologue à la polycliniq­ue Saint-Jean à Cagnes-surMer. Des études que lui-même a décidé de conduire très tôt, dès le lancement de la campagne de vaccinatio­n en France, le 18 janvier, préoccupé par l’efficacité de la couverture vaccinale chez ces patients en situation d’immunodépr­ession du fait de leur traitement : « Les personnes sous chimio pour un cancer ont plus de risques de faire une forme plus grave de Covid-19 par rapport à la population générale ; c’est la raison pour laquelle elles figurent parmi les publics prioritair­es vis-à-vis de la vaccinatio­n. Mais on ne dispose, à ce jour, d’aucune donnée d’efficacité des vaccins, puisqu’elles n’étaient pas incluses dans les essais cliniques menés par les laboratoir­es ».

Moins de  % ont des anticorps au moment du rappel

Son étude, conduite avec l’ensemble de ses confrères du Pôle de Santé, entre le début janvier et mimai, a inclus 122 malades sous chimio. « Nous avons montré que moins de 50 % d’entre eux (contre 100 % pour la population témoin) possédaien­t des anticorps protecteur­s, quatre semaines après la première dose de vaccin Pfizer, soit au moment du rappel. Ce taux atteignait heureuseme­nt plus de 90 % trois semaines plus tard. Plutôt une bonne nouvelle, même si la quantité d’anticorps reste globalemen­t moins élevée que dans la population générale. Et on ne sait pas non plus si le vaccin leur confère une immunité suffisante. Ni sur quelle durée. »

Ces résultats en cours de publicatio­n conduisent le spécialist­e à adresser un message très fort à destinatio­n des population­s concernées. Plusieurs milliers dans le seul départemen­t des Alpes-Maritimes. « Attention, il ne faut surtout pas décaler la deuxième injection. Dans le délai séparant les deux doses, les patients sont très peu protégés, voire pas du tout. »

Des propos qui s’appuient sur une observatio­n de terrain : plusieurs patients ont fait des maladies Covid dans l’intervalle.

Vers une troisième injection

Mais un autre fait préoccupe l’oncologue cagnois et ses pairs : l’absence totale d’anticorps protecteur­s chez certains patients soignés pour un cancer. « La Direction générale de la santé nous a autorisés à tester l’efficacité d’une troisième injection de vaccin chez ces malades, parmi lesquels figurent en particulie­r des personnes atteintes de leucémie lymphoïde chronique (LLC) [maladie maligne qui représente 25 % du total des leucémies, Ndlr] ou des lymphomes et traitées par des anticorps monoclonau­x anti-CD20. » Plusieurs établissem­ents azuréens spécialisé­s dans la prise en charge du cancer participen­t à cette étude. Et les résultats sont très attendus. « Il n’y a aucune donnée dans le monde concernant l’efficacité d’une troisième dose. Ce deuxième booster (troisième injection) permettra-t-il de générer une immunité protectric­e chez ces patients très vulnérable­s ? On le saura en suivant la production d’anticorps. »

Ces recherches pourraient à terme bénéficier à un plus grand nombre de malades immunodépr­imés. «Il n’est pas exclu que les patients sous chimio, même s’ils ont développé des anticorps protecteur­s, les perdent à court terme. Et il pourrait s’avérer pertinent de leur proposer à eux aussi une troisième injection. » Si chacun s’est légitimeme­nt réjoui de l’arrivée extrêmemen­t rapide des vaccins anti-Covid, ces délais raccourcis de mise sur le marché imposent aujourd’hui une forme de tâtonnemen­t que la population peine certaineme­nt à comprendre.

 ?? (Photo N.C.) ?? Se rapprocher de son oncologue pour la vaccinatio­n et le suivi, un impératif pour les personnes sous chimiothér­apie.
(Photo N.C.) Se rapprocher de son oncologue pour la vaccinatio­n et le suivi, un impératif pour les personnes sous chimiothér­apie.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco