Monaco-Matin

Les supermarch­és baissent le son pour les autistes

Plusieurs enseignes veulent permettre aux personnes atteintes de troubles autistique­s de faire leurs courses sereinemen­t. Les associatio­ns saluent l’initiative en appelant à ne pas céder aux clichés.

- L.B. lbruyas@nicematin.fr

Carrefour TNL à Nice, hier. Il est 14 heures. Tout à coup, les néons se figent, moins blafards, discrets. Lumière tamisée au rayon poireauxca­rottes. La musique est coupée et le silence se fait dans les allées p’tit déj’, conserves, surgelés. Plus d’annonces promo au micro, plus d’appels à la caisse. Seul le bruit des roues des chariots et des conversati­ons feutrées dans les rayons. L’enseigne vient de lancer, pour la deuxième semaine consécutiv­e, « l’heure silencieus­e hebdomadai­re dans le cadre de la sensibilis­ation à l’autisme », explique la direction du groupe dans un communiqué de presse. Une initiative menée, les lundis de 14 à 15 heures, dans 1 240 magasins de l’enseigne, notamment à Nice et Antibes.

« On coupe la sono, on demande aux machines de nettoyage de cesser, on arrête les appels à produits et, même nous, on parle moins fort », détaille, sur place, Muriel Filippi, la responsabl­e « Services, accueil, encaisseme­nt ».

« Une grande avancée »

Le but : permettre aux personnes souffrant de troubles autistique­s de faire leurs courses sereinemen­t. Carrefour n’est pas la première marque à s’engager. Un Super U du Loir-et-Cher a lancé le mouvement dès janvier. Et Monoprix a développé une appli pour éviter à ces clients d’attendre trop longtemps à la caisse.

« Cet engagement est une grande avancée pour les personnes autistes et leurs familles. L’initiative de Carrefour va leur permettre de faire leurs courses dans des conditions adaptées et faciliter leur quotidien », salue Danièle Langloys, la présidente de l’associatio­n « Autisme France ». Qui appelle cependant à ne « pas céder aux clichés : les troubles du spectre de l’autisme (avec un taux de prévalence de 1 à 2 % au niveau internatio­nal) revêtent diverses formes plus ou moins sévères ». Pour elle, « le bruit fait partie des difficulté­s rencontrée­s mais il y en a bien d’autres. Dont la signalétiq­ue : des allées mal renseignée­s peuvent devenir diabolique­s pour un autiste. Ou l’attente aux caisses pour les familles qui ont un enfant autiste qui va se mettre à crier… » Carrefour promet de travailler sur tous ces aspects. En attendant, c’est le silence.

« Mon neveu n’arrive même pas à prendre le tram »

Mais tous les clients ne sont pas informés malgré le panonceau à l’entrée. Voilà Jean et Giovanna, retraités, tout caddie dehors et un peu surpris : «Ah bon? Quand on est arrivés, c’était lumineux et puis d’un coup... On n’était pas au courant de la cause de cette baisse de courant… »

Une fois, la démarche expliquée : ils sont pour. Comme Nedra, venue faire ses courses avec son fils : « C’est bien, il faut respecter les gens. Je ne suis pas autiste mais même moi à 39 ans, j’apprécie de faire mes courses dans le calme ». Un calme troublé par un caddie qui dévale la galerie marchande à toute berzingue. Un couple avec un tout petit garçon qui rit de cette course folle. On les renseigne. Gros freinage. La mère de famille, Naïma, écoute. Approuve : « Mon neveu est autiste, il a deux ans. Il ne supporte pas la lumière, est incapable de prendre le tram tellement ça le stresse ».

Elle sourit : « C’est une très belle initiative, je vais le dire à ma belle-soeur qui est toujours en galère pour faire ses courses » . Le père reprend le chariot, direction l’hyper. Et souffle à son fils « Chut, chut ! »

 ?? (Photo Frantz Bouton) ?? Deuxième édition de « l’heure silencieus­e pour tous », hier, à Carrefour TNL à Nice.
(Photo Frantz Bouton) Deuxième édition de « l’heure silencieus­e pour tous », hier, à Carrefour TNL à Nice.

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