Vaccin pour les - ans : probablement dès la rentrée
S’il s’agit d’une vaccination essentiellement altruiste, au bénéfice des plus fragiles, elle pourrait aussi éviter des évictions scolaires, très délétères psychologiquement, selon les pédiatres.
L’Agence européenne du médicament (EMA) n’a finalement pas beaucoup tardé à emboîter le pas de son homologue américain, la FDA. Après avoir mené une évaluation accélérée des données transmises par Pfizer et BioNTech, les développeurs du vaccin COMIRNATY contre la Covid-19, elle vient de donner un avis favorable à son utilisation chez les 1215 ans. Une annonce que le Dr Hervé Haas, pédiatre et infectiologue au CHPG à Monaco, a accepté de commenter.
Que pensez-vous de l’élargissement de la vaccination aux - ans ?
Comme la plupart de mes confrères, j’y suis très favorable, même si le rationnel de cette vaccination est différent de celui des adultes.
Qu’entendez-vous par là ?
S’agissant des adultes, et des personnes âgées en particulier, le bénéfice individuel est majeur puisque le vaccin protège des formes graves vis-à-vis desquelles elles sont fortement à risque. Concernant les enfants, on sait que le risque de formes graves est extrêmement réduit. Même cet hiver encore, on a dû hospitaliser en réanimation quelques enfants atteints de syndromes inflammatoires multisystémiques. Heureusement, tous ont été guéris sans séquelles.
La vaccination des enfants aurait donc pour seule vocation de protéger les adultes ?
Il s’agit effectivement d’une vaccination d’abord altruiste,
Le Dr Hervé Haas, est aussi secrétaire du groupe de pathologies infectieuses pédiatriques au sein de la Société française de pédiatrie (SFP).
destinée à protéger les plus fragiles, en limitant la circulation du virus. Mais pour les adolescents de à ans, il y a aussi un bénéfice individuel, surtout en termes de scolarisation.
Éviter la rupture avec l’école ?
Exactement. Même si on a peu fermé les écoles en France, les mois passés ont eu un très gros impact psychologique pour cette population. Les consultations en pédopsychiatrie explosent : enfants victimes d’anxiété majeure, d’idées noires, en situation de rupture scolaire… Grâce à la vaccination, on pourrait éviter les évictions scolaires, et diminuer ainsi l’angoisse chez les jeunes de la catégorie d’âge à ans.
On peut néanmoins s’inquiéter de possibles effets indésirables, quand les bénéfices à attendre du vaccin sont aussi faibles ?
Concernant ces effets indésirables, regardés à la loupe, quelques cas de myocardite [inflammation au niveau du muscle cardiaque, ndlr] ont été décrits dans les essais conduits outre-Atlantique ; mais leur incidence n’est pas supérieure à celle attendue dans cette tranche d’âge. En clair, il n’a pas été conclu à ce stade de surrisque avec la vaccination.
Quelques précisions supplémentaires concernant ces myocardites ?
Elles ont été observées jours après l’injection de la deuxième dose et ont affecté surtout des garçons. Autre précision : tous ces cas ont évolué favorablement, aucun événement grave n’a été observé par la suite. Mais il est évident que l’on doit continuer de surveiller très attentivement l’apparition d’éventuels effets indésirables. Les cas de thromboses associés à AstraZeneca ont assez marqué les esprits. Une transparence totale sur ce que l’on sait – et ce qu’on ne sait pas – s’impose.
Quand la campagne de vaccination des enfants devrait-elle débuter en France ?
Probablement à la rentrée.
Pourquoi attendre septembre, alors que le Canada et les USA ont déjà entamé la vaccination ?
Ils ne sont pas dans la même situation que la France ; eux ont fermé les écoles plus de
jours, contre une quarantaine nous concernant. On imagine l’impact terrible que cela a eu. Du coup, ils sont infiniment pressés de renvoyer les enfants à l’école. Nous sommes dans une situation un peu différente ; continuons de prioriser les adultes avec les doses dont nous disposons, et dans le délai, on pourra bénéficier d’encore plus de recul en termes de tolérance.
D’un point de vue organisationnel, la vaccination des jeunes avec un vaccin à ARN pourrait-elle s’avérer compliquée, sachant les conditions de stockage ?
Plus pour très longtemps. Les laboratoires Pfizer vont bientôt livrer des vaccins qui pourront, après décongélation, être maintenus un mois dans un frigo. Dès lors, tout le monde : pédiatres, généralistes… pourra vacciner ces enfants. Et il est probable que ces vaccinations se passeront en milieu scolaire… en ayant pu les organiser en amont cet été.
Seriez-vous favorable à un élargissement de la vaccination aux moins de ans ?
Ce sera probablement le cas dans un avenir prochain, mais à mon sens, ça se discute davantage, il y a moins d’urgence. Ce sont les adolescents, je le répète, qui sont, aujourd’hui, en souffrance et pour lesquels on doit tout mettre en oeuvre pour éviter dans les prochains mois de nouvelles ruptures scolaires.