Monaco-Matin

EN AMICAL, FRANCE - PAYS DE GALLES (H À NICE)

Reprend le cours de son histoire avec l’équipe de France à l’Allianz, le stade de sa dernière sortie en Bleu contre l’Arménie (4-0). Près de six ans après, une plaie va se refermer.

- WILLIAM HUMBERSET

La main sur l’arrière de la cuisse gauche, la mine grimaçante, il comprend que son match s’arrête là. Sur un coup de poignard ressenti à la 81e minute de ce France-Arménie amical disputé à l’Allianz Riviera (4-0). Olivier Giroud le remplace, pour bien plus que les dix dernières minutes. Car les quelque 32 000 Niçois présents ce soir-là et Karim lui-même ne le savent pas encore, mais ce 8 octobre 2015 marque la dernière sortie de Benzema en Bleu. Forfait pour le déplacemen­t au Danemark trois jours après, le numéro 10 sera emporté un mois plus tard dans l’oeil du cyclone et l’affaire de la sextape de Valbuena. C’est la seconde lame. Bien plus profonde qu’une déchirure à la cuisse, elle bannit Benzema de toute convocatio­n internatio­nale pendant près de cinq ans et huit mois. Une punition que personne n’avait vue venir en interne, même lorsque Benzema et Valbuena s’étaient expliqués, deux jours avant le France-Arménie.

« Le groupe n’a jamais ressenti quoi que ce soit, il n’y a jamais eu de perturbati­on dans la préparatio­n. La suite, ce sont des moments particulie­rs à vivre pour tout l’environnem­ent des Bleus, pas seulement pour Karim, rembobine Christophe Jallet, internatio­nal de 2012 à 2017. Les joueurs, le staff ont vécu des moments difficiles, mais l’amour du maillot frappé du coq est toujours passé avant le reste. C’est ce qu’il fallait retransmet­tre sur le terrain. Il ne faut pas oublier que l’équipe de France a gagné sans Karim, elle a su faire du bon boulot sans lui. » Coincé à Madrid, KB9 a davantage souffert de cette mise au ban. « Triste » pour ses copains vicechampi­ons d’Europe en 2016, « heureux et même fier » de la deuxième étoile décrochée en 2018 sans lui, Benzema s’entraîne avec les gamins du Castilla pendant les trêves internatio­nales. Et se réfugie dans le travail comme il l’a expliqué dans une large interview donnée à L’Equipe.

« Je ne pouvais pas baisser les bras. Ça ne voulait pas entrer dans ma tête, je savais que ça allait tourner. Je réfléchis toujours de cette manière. C’est dans ces moments-là que je suis devenu encore plus fort mentalemen­t, physiqueme­nt. Je me suis mis à en faire plus que les autres. »

KB9 a commencé par convaincre le Bernabeu, avant de séduire Didier Deschamps à l’idée d’un retour de moins en moins prévisible. « Il est vraiment très fort dans sa tête, confirme un fidèle observateu­r du foot espagnol. Il a souvent été sifflé au Bernabeu, mais Benzema a fini par conquérir le public après le départ de Cristiano (2018).

Les gens ne voyaient pas son rôle ingrat derrière Ronaldo. »

Le Français reste sur trois Liga à plus de 20 buts par saison pour s’affirmer dans la Maison blanche. A l’Allianz Riviera, face à l’Arménie, il avait également dû inscrire un doublé pour étouffer quelques sifflets. Benzema restait sur six matchs sans marquer en équipe de France, soit une disette de pratiqueme­nt un an (362 jours), et sa titularisa­tion en pointe commençait à faire débat.

« L'environnem­ent est spécial dans une période de disette pour un attaquant, tous les regards sont braqués sur lui, il est soumis à une pression particuliè­re. Karim ne

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Il est vraiment très fort dans la tête ”

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Son doublé aurait pu être le début d’un renouveau ”

l'avait pas particuliè­rement, Didier Deschamps non plus, admire Jallet, remplaçant lors de ce France-Arménie. On en faisait une montagne mais les résultats étaient très bons et le sélectionn­eur gardait confiance en Karim. C’était chercher la petite bête. »

D’abord passeur décisif pour Griezmann (35’), Benzema avait reçu la pareille de Grizou pour marquer de la tête sur corner (77’), avant de finir sur un subtil piqué face au gardien (79’).

« Sur le terrain comme en dehors, j’ai toujours vu une connexion particuliè­re entre Grizou et Karim. poursuit l’ancien défenseur du Gym (2017-19). Ce sont deux joueurs de ballon. Ils partagent la

Benzema et Griezmann s’étaient chacun offert une passe décisive contre l’Arménie (-).

même facilité d’exécution, ils ont une intelligen­ce de jeu commune. Ce doublé aurait pu être le début d’un renouveau pour Karim, il n’en a pas eu l’occasion. »

Ce soir, il pourra reprendre le cours de l’histoire, Cinq ans et huit mois plus tard. A Nice. Là où elle s’était brusquemen­t arrêtée. « C’est un petit clin d’oeil, le hasard de la vie fait parfois qu’on se replonge dans le passé, conclut Jallet. Mais aujourd’hui il faut le laisser de côté et se projeter sur l’avenir. » Même si l’Allianz sera vide, Karim a déjà confié à L’Equipe que ce retour à Nice lui procurera le plein d’émotions. « Ça va me faire bizarre, un truc particulie­r d’enfiler le maillot bleu, d’entendre l’hymne... » KB9 s’était frappé la poitrine pour fêter son doublé contre l’Arménie. Hier, il avait le sourire en retrouvant la pelouse de l’Allianz. La main sur le coeur, avec la banane, c’est le Benzema que la France a envie de revoir ce soir. Pour définitive­ment refermer une plaie qui a trop duré.

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(Photos AFP et Frantz Bouton)
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