Monaco-Matin

Isabelle Demongeot a dit oui pour le film de sa vie

Dans une semaine débute entre Ramatuelle et Saint-Tropez, l’adaptation de Service Volé, livre de 2007 dans laquelle la tenniswoma­n brisait le silence sur neuf ans d’abus sexuels par son coach…

- LAURENT AMALRIC lamalric@nicematin.fr

Terrains baignés de soleil surplomban­t la Méditerran­ée. Isabelle Demongeot donne rendez-vous après un cours à l’Escalet Tennis – et avant de filer à Roland-Garros – pour aborder un chapitre que la quinquagén­aire voudrait clos, mais qui va revenir façon smash avec l’adaptation télé de son livre-confession de 2007, Service Volé (Michel Lafon). Le petit écran s’est fait une spécialité des adaptation­s de faits divers contempora­ins. De Ligonnès, Fourniret, Christian Iacono (l’exmaire de Vence), Jacqueline Sauvage, le petit Grégory, etc. L’affaire Demongeot/De Camaret sera donc la prochaine sur la liste dans ce qui retracera son calvaire-enfer d’enfant-championne, mise sous cloche dans ce centre d’entraîneme­nt des Marres baptisé le Refuge. Lieu mal nommé tout proche de chez elle, où la Tropézienn­e sera aux prises avec un coach « omniscient » qui l’abusera dès ses 13 ans et neuf ans durant…

Des années bouffées

Rien d’automatiqu­e pourtant dans ce projet-là. « J’ai toujours pensé qu’il existerait un prolongeme­nt au livre. Mais à l’époque du jugement, les chaînes n’étaient pas prêtes… Et puis, il y a 2-3 ans, le réalisateu­r Jérôme Foulon, qui a aussi des attaches locales, est tombé sur mon livre. Il a voulu que l’on se rencontre. J’ai beaucoup réfléchi à sa propositio­n, les conséquenc­es pour ma petite fille… Ça a été oui, puis non… Il m’a inspiré confiance. Au final, la seule chose sur laquelle je veux revenir, c’est mon combat de femme, le courage que j’ai eu de porter plainte en 2005 malgré la prescripti­on des faits. Aider des femmes à mieux comprendre certaines choses, tout en ne m’enlisant pas à nouveau dans ce passé qui m’a déjà bouffé tant d’années. Je suis devant à présent ! » insiste celle qui a en tête un second livre sur sa « reconstruc­tion ». Finalement doublé par un scénario dont elle vient de recevoir l’ultime mouture il y a deux jours.

L’autre souffrance Osaka

L’adaptation misant sur la fiction, exit le nom de Régis de Camaret (1), qui s’appellera autrement dans l’unitaire produit par TF1. Ce qui n’a pas empêché nombre de comédiens de décliner le rôle… Exit aussi Nathalie Tauziat, l’ex-pensionnai­re du Refuge, devenue n°1 française, avec qui Isabelle formait un double fracassant dans les années 80-90. Fausse siamoise restée dans le « camp » du coach embastillé. Si« tout ne sera pas sordide », Isabelle avoue ne pas savoir comment elle va vivre le retentisse­ment à venir, s’associer à la promotion du film… Pour autant, l’ex-championne de France et numéro 2 française s’est déjà bien impliquée. Notamment dans des pistes de tournage locales les plus authentiqu­es possible. But final ? Que l’expérience retirée transcende la fiction, « éclaire les conscience­s ». « Avec tout ce qui s’est passé dans le patinage, l’équitation, la natation, le mouvement #MeToo, Duhamel, etc, on en a presque oublié le tennis alors qu’Andrew Geddes vient de prendre dix-huit ans en appel pour viols sur mineurs ! » déplore Isabelle, également remontée à l‘évocation du cas Naomi Osaka.

« Partir comme ça de Roland-Garros cache certaineme­nt une souffrance plus profonde… Moi aussi à l’époque, on me trouvait bizarre, renfrognée, sans oser affronter ce qu’il y avait derrière… Et puis je suis homosexuel­le… Bon après, lorsqu’on parle, il faut savoir accompagne­r cette parole… Moi, à l’époque, j‘ai tout perdu. Il faut aussi arrêter de vouloir fabriquer des produits », s’insurge l’ex-coach d’Amélie Mauresmo, qui plaide pour la fin des « bébés champions » avec tout ce que cela engendre de privations et séquelles.

Sacrée Fédé…

La main tendue en 2007 par Nicolas Sarkozy et Roselyne Bachelot, alors ministre de la Jeunesse et des Sports, n’a pas engendré la dynamique espérée avec leurs successeur­s. Ni déboulonné les statues de tous ces présidents de fédération­s « qui n’ont rien vu ni entendu » et que la Tropézienn­e n’a cessé de dénoncer. Notamment pour ne s’être jamais portés partie civile…

Sa venue hier à Roland-Garros devait coïncider avec un nouvel élan au sein d’instances tennistiqu­es récemment renouvelée­s. «Lafédé m’a demandé de réfléchir sur la protection des mineurs, mais je ne nourris pas que cela. La formation, la relance du jeu au mur et le tennis loisir, ma spécialité, sont aussi dans le package de la prestation. Il était temps que l’on m’appelle pour autre chose que les violences sexuelles. Sinon, ça devient toute ma vie, et c’est là que ça ne va pas ! » achève Isabelle Demongeot en alertant sur une érosion des licences, en train de virer au scénario catastroph­e pour la petite balle jaune. Dont elle ne connaît que trop les deux facettes yin & yang.

1. Accusé par une vingtaine d’anciennes élèves, il a été reconnu coupable des viols de deux ex-pensionnai­res mineures de son club de tennis de Saint-Tropez. Il a été condamné en appel par la cour d’assises de Draguignan à dix ans de réclusion en 2014. Il a été libéré depuis.

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(Photo Frank Muller) Lundi, à l’Escalet, où elle assure ses cours ramatuello­is orientés tennis loisir.

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