Un projet photo porté par l’artiste JR
À l’initiative de deux habitantes de Tende, des portraits de villageois seront collés sur le pont qui traverse la commune – dans le cadre du projet « Inside out » porté par le street artiste JR.
Un projet pour se projeter. Des visages à dévisager. Un pont pour les relier. Plus de huit mois après la tempête Alex, deux Tendasques – Estelle et Géraldine – ont décidé de se lancer dans un projet aussi positif que joyeux. Une initiative permettant de faire parler de la Roya autrement que par le prisme du catastrophisme. Dans dix jours, les portraits de plus de 200 habitants s’afficheront ainsi en grand sur le viaduc de Tende. Lui qui enjambe la Roya entrée en furie le 2 octobre dernier, et grâce auquel circule encore le train salvateur. Comment l’idée de cette mosaïque humaine est-elle venue ? Par une rencontre. Naturellement.
Collage prévu les et juin
« Estelle travaille à la bibliothèque. Un jour où je m’y suis rendue, je suis tombée sur un ouvrage de l’artiste JR. Je m’intéresse à ce qu’il fait depuis dix ans, et j’étais étonnée que quelqu’un le connaisse » , introduit Géraldine. Ajoutant qu’un échange s’est rapidement engagé. Les deux femmes allant jusqu’à parler des projets Inside out menés dans le monde entier (lire ci-contre). « Avec ce qu’il s’est passé en octobre dernier on s’est dit pourquoi pas nous. Pour montrer qu’il y a encore une vie et des gens ici », résument-elles. Précisant qu’il fallait que le projet soumis ait un sens. Qu’avant la présence des images, les mots aient un poids. « Le 2 octobre 2020, l’équivalent de 500 litres par mètre carré de pluie fait gonfler les cours d’eau dans la vallée de la Roya et emporte avec elle des kilomètres de routes, des ponts, des maisons, des souvenirs et des vies. Trois journées sans réseau, sans contact avec l’extérieur.
On se regarde au fond des yeux et on marche des kilomètres sur les rails de trains pour demander des nouvelles aux amis, aux voisins et ceux avec qui nous n’avons jamais échangé auparavant. Comme si la tempête sur son passage avait également fait tomber les murs entre les gens », écrivent-elles ainsi dans le synopsis. Soucieuses, via le projet, de mettre en avant ce lien (re) trouvé, ainsi que l’espoir d’un village « qui se reconstruit doucement psychologiquement et physiquement ».
Pour capter le plus de monde possible, Estelle et Géraldine ont officié les jours de marché. Et c’est sans batailler, sans même avoir à s’expliquer, qu’elles ont réussi à tirer le portrait à plus de 200 personnes. Glanant quelques grimaces réjouissantes au passage.
« On leur disait bien qu’il ne s’agissait pas de photos de classe… ni de passeport ! Nous ne savions pas comment les gens réagiraient à notre démarche, est-ce que cela aurait un sens pour eux. Mais tous se sont montrés curieux et enjoués », commentent-elles. Précisant avoir également travaillé avec des institutions, tels que l’Esat Le Prieuré et le collège de Saint-Dalmas – qui a monté son propre projet. Le collage des posters (imprimés en noir et blanc au format 91,44 x 134,62 cm) est prévu le week-end des 19 et 20 juin. « On devra demander de l’aide, notamment aux amis cordistes. Nous sommes également à la recherche d’habitants bénévoles », signalent-elles. Les visages seront ainsi visibles de tous pour l’arrivée de l’été. Avec l’espoir qu’ils le demeurent le plus longtemps possible, pour que chacun ait le temps d’en profiter. « Certains viennent encore pour une sorte de tourisme apocalyptique et prennent les stigmates en photo ; c’est douloureux pour les habitants. Nous souhaitons qu’ils voient ce qu’est vraiment la Roya. » Une vallée incroyablement belle, et toujours vivante.