Monaco-Matin

Vincent Duluc : « Le matin,

Grand reporter au journal L’Equipe, il sort un nouveau livre (Les mots du football) qui se déguste comme une ouverture de Michel Platini. Avant l’Euro, il était capital de converser avec lui.

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C’est un petit livre à mettre entre toutes les mains. Léger comme une plume, cet objet est un trésor qui renferme mille histoires. ‘‘Les mots du football’’ se dévore en 90 minutes. C’est beau, intense, brillant. Ça réveille les souvenirs. Ça convoque les images. Certains chapitres sont des morceaux de vie. Mon préféré : ‘‘Passez-moi les sténos’’. Trois pages qui ne me quitteront plus. Dans sa préface, Philippe Delerm, directeur de la collection Le goût des mots, écrit : «Le football a de la chance d’avoir Vincent Duluc ». Pas mieux. Duluc, c’est le meilleur d’entre nous. Le Platini des journalist­es. Lisez ses éditos, ses articles, ses livres. Lisez-le. Toujours. Tous les jours. Il mettrait du génie dans une liste de courses. Oui, le football a de la chance d’avoir Vincent Duluc. Et nous, le plaisir de l’avoir au téléphone.

Vincent, tu as écrit combien de livres ?

Je ne sais pas. Trop.

C’est le e ?

Ouf !

Les éditos, les articles, les émissions télé, les livres : tes journées font plus de  heures ?

J’aime écrire. J’écris plutôt le matin. Un livre, un papier : c’est raconter une histoire.

Carole et Clark de Vincent Duluc et Laura Antonelli n’existe plus de Philippe Brunel ont été encensés par la critique...

Ça nous a fait drôle de faire un entretien croisé dans le Monde des livres signé Philippe Ridet. Avec Philippe Brunel, ça nous a fait marrer. On s’est dit : le mec qui faisait le cyclisme dans L’Équipe et celui qui fait le foot dans le supplément livre du Monde : c’est le nouveau monde...

Comment est né ton petit dernier

(Les mots du football) ?

L’origine : une demande des responsabl­es de la collection Philippe Delerm et Adrien Bosc, l’auteur de Constellat­ion, grand prix du roman de l’Académie française en . Rien que pour la préface de Philippe

Vincent Duluc écrit comme Michel Platini (ci-dessous) jouait.

Delerm, je suis content d’avoir fait ce livre. J’aime beaucoup la famille Delerm. J’ai toujours lu le père et je suis copain avec le fils Vincent. Je suis touché par leur sensibilit­é. Ça correspond assez à ce que j’essaie de transmettr­e.

Ton mot préféré ?

Je n’en sais rien, mais j’ai une anecdote sur le sujet. Quand j’ai fait Le cinquième Beatles (), pour moi, c’était le roman d’un crépuscule. C’était crépuscula­ire. À un moment, j’ai eu ce tic d’écrire crépuscule et crépuscula­ire un peu partout. A la fin du bouquin, l’éditrice m’a dit : ‘‘Vincent, j’ai fait une recherche : il y a  fois le mot crépuscule dans le livre, je t’en laisse quatre.’’ Elle avait raison.

Crépuscule, c’est un joli mot, mais il ne correspond ni à ta vie, ni à ta carrière...

Pourtant, je m’éloigne de l’aube.

Le mot du football pour lequel tu as de la tendresse ?

Gazon. J’ai arrêté de jouer au foot, mais je rêve encore que je me roule dans l’herbe. Ah, l’odeur de l’herbe coupée quand tu approches d’une pelouse.

Dans le livre, tu cites une réflexion de Jean Bouise, qui joue le président de Trincamp dans

l’inoubliabl­e film Coup de tête : « J’entretiens onze imbéciles pour en calmer huit cents... »

J’aime ce film parce qu’il se déroule à Auxerre, parce que je connais des gens qui jouent dedans, parce qu’il est bien écrit et qu’il y a une forme de cynisme qui touche à la poésie. L’histoire, elle est liée au paternalis­me d’autrefois. Quand les notables de la ville dirigeaien­t leur club de foot. Aujourd’hui ce sont des PME chinoises qui sont actionnair­es d’un club. Les choses sont forcément différente­s...

Page , il y a le mot roulette et l’évocation d’un joueur qui parle aux Niçois : Yves Mariot...

Je ne suis pas étonné qu’il soit passé par l’OGCN. Nice est tout près d’un hippodrome. Yves Mariot adorait les chevaux. Et les courses... Mariot : à Gerland, tout le monde attendait sa roulette. Dès qu’il avait le ballon, un murmure parcourait les tribunes. Je me souviens d’un Lyon-Marseille, il l’avait réussie sa roulette devant François Bracci, qui faisait une ou deux têtes de plus que lui. Fantastiqu­e.

Une anecdote mérite à elle seule l’achat du livre. Celle du déplacemen­t des fans des Reds en Islande...

Je pense qu’elle est vraie. La première fois que les et finale contre l’Italie). Et d’émotions. Les images gravées ? Le penalty raté de Raul à la dernière minute de France-Espagne alors qu’on mène -, l’arrêt de Barthez sur la tête d’Abel Xavier en demi-finale puis ce suspense et ce penalty décelé par l’arbitre de touche et la fin de la finale avec ce but de Wiltord qui nous pousse à faire reset et à recommence­r nos papiers.

L’Euro que tu mets au-dessus des autres ?

Celui de  est pas mal, mais j’ai aussi un grand souvenir de l’Euro  en Suède. Une autre époque. Tous les matins, ou presque, on organisait un match : les journalist­es, renforcés par Giresse et Tigana qui étaient consultant­s, contre le staff de l’équipe de France avec Platini qui était alors sélectionn­eur. On rentrait facilement dans l’hôtel de l’équipe de France. À l’époque, je travaillai­s au Progrès. Je faisais une chronique avec Rémi Garde ou Gilles Rousset. Il y avait une proximité qu’on n’a jamais retrouvée. J’ai une énorme tendresse pour cette édition , même si les Bleus n’étaient pas sortis des poules.

Le joueur de l’Euro ?

Michel Platini en . Au-dessus. Très au-dessus. Je n’ai jamais revu un joueur dominer une phase finale de la sorte. Extraordin­aire.

Neuf buts en cinq matchs. Invraisemb­lable.

Tu as été son adversaire... Alors Platoche, si fort ?

Il nous roulait dans la farine. Quand on jouait sur grand terrain à  contre , Alain Giresse était impression­nant. Gigi courait partout. Platoche ne courait pas. Ça l’emmerdait. Mais sur un petit terrain lors d’un  contre  ou d’un  contre , Platini était au-dessus de Giresse. Pourtant, Gigi est un joueur immense. Il sait tout faire avec le ballon. Un régal. Mais lors de ces minimatchs, Platoche était génial, imprévisib­le. Il faisait des trucs de fou. Le roi des petites surfaces. C’était vertigineu­x.

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(Photos PQR et AFP)

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