Monaco-Matin

Èze : Cherki accusé de faire du business avec sa mairie

Le rapport de la chambre régionale des comptes reproche au maire d’user de son pouvoir et de montages complexes pour servir ses propres intérêts. Notamment ses restaurant­s.

- ANTOINE LOUCHEZ (AVEC JEAN-MICHEL POUPART) alouchez@nicematin.fr

Une commune est-elle un business comme un autre pour Stéphane Cherki ? Le rapport de la chambre régionale des comptes (CRC) qui a engendré des perquisiti­ons à Èze et l’ouverture d’une enquête préliminai­re pour « prise illégale d’intérêt », « trafic d’influence », «détourneme­nt de fonds publics, favoritism­e » par le parquet de Nice, a mis le maire d’Èze, Stéphane Cherki, dans la tempête.

« Je n’ai pas touché un centime en quinze ans de mandat, s’est défendu le businessma­n de 66 ans en conseil municipal, jeudi soir. Je pense qu’il y a une lecture de la CRC qui est celle de magistrats et non pas celle d’un chef d’entreprise, qui gère sa ville un peu comme une entreprise, c’est vrai. » Mais le portrait dressé par la CRC est net. Celui d’un homme qui use de son pouvoir pour servir ses intérêts et ses relations : « Le caractère opaque ou insuffisan­t de l’informatio­n donnée aux élus du conseil municipal n’est pas de nature à prévenir ou empêcher les conflits entre intérêts publics et privés d’un maire entreprene­ur. »

Établissem­ents à proximité de la mairie

Au coeur des accusation­s : la restaurati­on. Le maire est concerné, de près ou de loin, par de nombreuses sociétés et établissem­ents ézasques. Et la Chambre l’accuse d’en engraisser avec l’argent public. C’est notamment le cas des sociétés « Saveur et prestige », « Mets vin chics » et du restaurant Le Pinocchio, pour qui les achats de la commune sont «en très forte augmentati­on ».

Ces trois-là ont le plus bénéficié des dépenses municipale­s en 2018 (73 296 euros). Tendance qui « ne paraissait pas s’inverser » en 2019. Des agents municipaux en ont fait leur cantine et la mairie règle rubis sur l’ongle leurs notes de frais alors même qu’elle leur distribue des tickets-restaurant­s. « L’analyse de l’exercice 2018 montre que certains personnels se restaurent régulièrem­ent dans ces établissem­ents, idéalement placés à proximité de la mairie », souligne le rapport.

« Le Pinocchio » :   euros en 

Le maire se défend de toucher quoi que ce soit : « J’ai donné en gestion les établissem­ents dont je suis propriétai­re. » La CRC, elle, met en avant les présumés tours de passe-passe sophistiqu­és de Stéphane Cherki : « Si ce dernier prend soin de ne pas intervenir directemen­t au capital des sociétés précipitée­s, ses intérêts sont malgré tout servis via sociétés interposée­s, au terme de montages complexes. »

Un des moteurs de ce système décrit par la Chambre est la SAS Floreo services, contrôlée à 90,5 % par Stéphane Cherki depuis 2018 (avant, c’était 100 %) et dont il est le président rémunéré. Cette société a, par exemple, confié la gestion du Pinocchio à la SARL « Saveurs et prestige », gérée par Bruno Calbocci.

Mais un contrat stipule qu’elle doit verser 8 % de son chiffre d’affaires, sans oublier les 2 000 euros de loyer, à la holding de Cherki. Plus le restaurant tourne, plus le maire touchera d’argent. Ce qui lui a rapporté 182 000 euros en 2018, affirme le document.

« J’ai respecté ce que je pensais devoir être respecté »

Le rapport souligne également les nombreux « liens économique­s avérés » entre les deux sociétés, le maire d’Èze et Bruno Calbocci, un de ses principaux partenaire­s en affaires. La société Saveurs et prestige est ainsi le traiteur attitré du Mont-Leuze, dont le fonds de commerce et les murs appartienn­ent aussi à Stéphane Cherki. Le document affirme également que Saveurs et prestige s’est vue attribuer par la commune un marché public « dans des conditions irrégulièr­es ». Avec une procédure d’appel d’offres étouffée si restreinte que Saveur et prestige a été seule à postuler.

Au fil de ce document qui a suscité une enquête pénale, les magistrats stigmatise­nt « la confusion entretenue entre l’action de maire de M. Cherki et ses intérêts privés. » Alors que lui, n’a eu de cesse de clamer son innocence : « J’ai respecté ce que je pensais devoir être respecté. »

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Eric Ottino) Le Pinnochio ferait partie des établissem­ents qui rapportent de l’argent au maire.(Photo

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