Èze : Cherki accusé de faire du business avec sa mairie
Le rapport de la chambre régionale des comptes reproche au maire d’user de son pouvoir et de montages complexes pour servir ses propres intérêts. Notamment ses restaurants.
Une commune est-elle un business comme un autre pour Stéphane Cherki ? Le rapport de la chambre régionale des comptes (CRC) qui a engendré des perquisitions à Èze et l’ouverture d’une enquête préliminaire pour « prise illégale d’intérêt », « trafic d’influence », «détournement de fonds publics, favoritisme » par le parquet de Nice, a mis le maire d’Èze, Stéphane Cherki, dans la tempête.
« Je n’ai pas touché un centime en quinze ans de mandat, s’est défendu le businessman de 66 ans en conseil municipal, jeudi soir. Je pense qu’il y a une lecture de la CRC qui est celle de magistrats et non pas celle d’un chef d’entreprise, qui gère sa ville un peu comme une entreprise, c’est vrai. » Mais le portrait dressé par la CRC est net. Celui d’un homme qui use de son pouvoir pour servir ses intérêts et ses relations : « Le caractère opaque ou insuffisant de l’information donnée aux élus du conseil municipal n’est pas de nature à prévenir ou empêcher les conflits entre intérêts publics et privés d’un maire entrepreneur. »
Établissements à proximité de la mairie
Au coeur des accusations : la restauration. Le maire est concerné, de près ou de loin, par de nombreuses sociétés et établissements ézasques. Et la Chambre l’accuse d’en engraisser avec l’argent public. C’est notamment le cas des sociétés « Saveur et prestige », « Mets vin chics » et du restaurant Le Pinocchio, pour qui les achats de la commune sont «en très forte augmentation ».
Ces trois-là ont le plus bénéficié des dépenses municipales en 2018 (73 296 euros). Tendance qui « ne paraissait pas s’inverser » en 2019. Des agents municipaux en ont fait leur cantine et la mairie règle rubis sur l’ongle leurs notes de frais alors même qu’elle leur distribue des tickets-restaurants. « L’analyse de l’exercice 2018 montre que certains personnels se restaurent régulièrement dans ces établissements, idéalement placés à proximité de la mairie », souligne le rapport.
« Le Pinocchio » : euros en
Le maire se défend de toucher quoi que ce soit : « J’ai donné en gestion les établissements dont je suis propriétaire. » La CRC, elle, met en avant les présumés tours de passe-passe sophistiqués de Stéphane Cherki : « Si ce dernier prend soin de ne pas intervenir directement au capital des sociétés précipitées, ses intérêts sont malgré tout servis via sociétés interposées, au terme de montages complexes. »
Un des moteurs de ce système décrit par la Chambre est la SAS Floreo services, contrôlée à 90,5 % par Stéphane Cherki depuis 2018 (avant, c’était 100 %) et dont il est le président rémunéré. Cette société a, par exemple, confié la gestion du Pinocchio à la SARL « Saveurs et prestige », gérée par Bruno Calbocci.
Mais un contrat stipule qu’elle doit verser 8 % de son chiffre d’affaires, sans oublier les 2 000 euros de loyer, à la holding de Cherki. Plus le restaurant tourne, plus le maire touchera d’argent. Ce qui lui a rapporté 182 000 euros en 2018, affirme le document.
« J’ai respecté ce que je pensais devoir être respecté »
Le rapport souligne également les nombreux « liens économiques avérés » entre les deux sociétés, le maire d’Èze et Bruno Calbocci, un de ses principaux partenaires en affaires. La société Saveurs et prestige est ainsi le traiteur attitré du Mont-Leuze, dont le fonds de commerce et les murs appartiennent aussi à Stéphane Cherki. Le document affirme également que Saveurs et prestige s’est vue attribuer par la commune un marché public « dans des conditions irrégulières ». Avec une procédure d’appel d’offres étouffée si restreinte que Saveur et prestige a été seule à postuler.
Au fil de ce document qui a suscité une enquête pénale, les magistrats stigmatisent « la confusion entretenue entre l’action de maire de M. Cherki et ses intérêts privés. » Alors que lui, n’a eu de cesse de clamer son innocence : « J’ai respecté ce que je pensais devoir être respecté. »