Monaco-Matin

GRAND PRIX DE FRANCE HISTORIQUE AU CIRCUIT PAUL RICARD « Si j’avais signé chez Ferrari... »

Quand on l’invite à évoquer les courses d’hier et d’aujourd’hui, Jean-Pierre Jarier chausse sa godasse de plomb et met le pied au plancher. Rencontre à deux vitesses, entre F1 et F2.

- Textes : Gil LÉON Photos : Laurent MARTINAT et Frank MULLER

Pour être certain de croiser sa route, hier, au Castellet, il fallait fouler la piste. Cap sur la grille de départ de la seconde course reine du week-end, le Masters Historic F1 retraçant ces années 70 qu’il a éclairées de son coup de volant flamboyant. Comme par hasard, JeanPierre Jarier y trône en pole position. Mais à pied. Si « Godasse de plomb » ne pilote plus, à 74 ans, il en a encore sous la semelle pour parler de l’essence de sa vie.

Jean-Pierre, pour quelle raison honorez-vous de votre présence cette première édition varoise du Grand Prix de France Historique ?

Laurent Vallery-Masson, l’organisate­ur, m’a proposé de remettre les trophées aux trois premiers du plateau célébrant le souvenir du championna­t européen de Formule  des années . Cette discipline garde une place à part dans mon coeur puisque je figure au palmarès avec le record de victoires en une saison à la clé. Voilà, je suis ravi de délaisser un moment ma maison varoise pour me replonger dans cette époque, cette ambiance. Franchemen­t, ça me touche de retrouver le circuit Paul Ricard où j’ai disputé tant de courses, connu tant d’émotions. En vieillissa­nt, je me rends compte que les moments forts de ma vie, les plus importants, sont liés à la course automobile. En F, en sport-prototype... et en F, bien sûr.

Ce titre continenta­l conquis en , il se situe où sur votre échelle de valeurs ?

Sportiveme­nt parlant, ce fut ma plus belle saison. Les F de l’époque, toutes propulsées par un moteur  cylindres de  chevaux, étaient assez proches les unes des autres. Il s’agissait de voitures fiables dont l’entretien ne coûtait pas cher. En ce temps-là, un jeune talent ne devait pas débourser un million et demi d’euros pour rouler dans l’antichambr­e de la F comme maintenant. Bref, chaque course générait de superbes bagarres. Plusieurs pilotes français ont brillé. Laffite, Depailler... Moi, avec ma March-BMW, j’avais décroché huit victoires.

Laquelle vous a le plus marqué ?

La première, à Mallory Park (un tracé anglais situé près de Leicester, ndlr) Jusque-là, je n’avais rien gagné sur circuit, ou presque. Mon coéquipier s’appelait JeanPierre Beltoise. Couper la ligne d’arrivée en tête avec le record du tour, c’était merveilleu­x.

Je n’y croyais pas. Ensuite, les succès se sont enchaînés comme par enchanteme­nt. Sauf sur le grand Nürburgrin­g où un amortisseu­r cassé avait coupé net mon élan alors que je menais la danse.

Deux ans plus tard, en , au Castellet, vous êtes e sur la grille de départ du Grand Prix de France derrière Lauda, Scheckter et Hunt. Que manque-t-il pour transforme­r l’essai sur le podium ?

La fiabilité, ici comme ailleurs. La Shadow DN, vous savez, elle allait super vite mais on tombait tout le temps en panne. En début de saison, j’obtiens deux fois la pole position, en Argentine et au Brésil. Résultat : double abandon ! (couple conique cassé à Buenos Aires, injection grippée à Interlagos).

Là, un problème d’alimentati­on m’avait ralenti (e). Après deux saisons jalonnées de galères, l’équipe finira par fiabiliser l’auto.

Mais ensuite, c’est ses finances qui vont connaître des ratés. En , le budget baisse, les peformance­s aussi. Dommage parce que la Shadow tient désormais la distance.

Si votre trajectoir­e en F était à refaire ?

A quoi bon refaire l’histoire ? Si j’avais signé chez Ferrari comme il en était question à un moment, sans doute que je serais monté sur la plus haute marche du podium plusieurs fois, en , , . Pour aller haut, en ce temps-là, il fallait absolument piloter une Ferrari, une McLaren ou une Williams. En fin de compte, j’ai l’impression d’avoir raté ma carrière. Mais ai-je le droit de me plaindre ? Alors que tant de copains ont perdu la vie en course, je suis là, je vous parle...

La F d’aujourd’hui, elle vous plaît ?

Il y a du bon et du moins bon. Côté positif, la sécurité a fait un pas de géant en avant. Regardez les circuits, les voitures... C’est un autre monde. Et puis les Grands Prix sont beaucoup mieux filmés.

Il y a des caméras partout. En revanche, la grosse ombre au tableau, pour moi, c’est la règle imposant ces changement­s de pneus inutiles. J’en veux vraiment aux décideurs de la Formule  qui nous servent des courses de garagistes. A quoi sert l’arrêt au stand ? Améliore-t-il le spectacle ? Facilite-t-il la compréhens­ion du scénario pour le public ? Non ! De nos jours, on sait fabriquer des gommes capables d’aller d’un bout à l’autre. Alors laissons le pilote décider lui même de sa stratégie.

Justement, parmi les pilotes actuels, y en a-t-il un qui vous impression­ne ?

‘‘

Laissons le pilote décider de sa stratégie”

Max Verstappen, c’est pas mal, quand même. Sachant que les voitures sont solides, qu’elles encaissent bien les chocs, il va un peu plus loin que les autres dans la prise de risque, le tutoiement de la limite, je trouve. En piste, il a la pêche. Vraiment !

 ??  ?? Jean-Pierre Jarier : « Je suis ravi de délaisser un moment ma maison varoise pour me replonger dans cette époque. »
Jean-Pierre Jarier : « Je suis ravi de délaisser un moment ma maison varoise pour me replonger dans cette époque. »

Newspapers in French

Newspapers from Monaco