Désamours militaires
Décidément, la relation entre Emmanuel Macron et ses hauts gradés militaires n’est pas un long fleuve tranquille. Pour la deuxième fois depuis le début de son mandat, le Président voit en effet le chef d’état-major des armées (Cema) prendre le large et démissionner de ses fonctions.
En juillet , ce fut un bruyant claquement de porte. Alors que Pierre de Villiers, alors Cema, avait vertement manifesté le juillet devant la commission de la défense nationale de l’Assemblée nationale réunie à huis clos son mécontentement sur le budget alloué à ses troupes - « Je ne vais pas me laisser baiser commeça» - le Président, encore jupitérien en diable, lui adresse une admonestation publique dès le juillet : «Jesuis votre chef [...] Les engagements que je prends devant nos concitoyens, et devant nos armées, je sais les tenir. Et je n’ai à cet égard besoin de nulle pression et de nul commentaire. » Humilié, Pierre de Villiers démissionne six jours plus tard. Un fait sans précédent depuis et le signe d’un désamour entre Emmanuel Macron et les casernes où le Rassemblement national rallie bien des suffrages. Au passage, le chef de l’État perd dix points dans les sondages. L’annonce, ce dimanche, par le général François Lecointre, successeur de Pierre de Villiers, de sa décision de quitter ses fonctions le juillet ne soulève pas les mêmes vagues. Valeureux et prestigieux soldat, le général Lecointre dédramatise son départ. Il n’en demeure pas moins qu’il en a décidé lui-même alors que le Président souhaitait poursuivre avec lui. Si cette rupture n’est pas un camouflet pour Emmanuel Macron, elle souligne néanmoins un mal-être du général Lecointre dont le bilan est au demeurant positif. N’a-t-il pas obtenu « une remontée en puissance de nos armées » et des budgets à la hausse après des années de rabotage !
Ses derniers mois de Cema n’ont cependant pas été de tout repos avec les tensions nées de la publication de deux rudes tribunes de militaires dans Valeurs actuelles, l’annonce par le chef de l’État le juin dernier de la fin de l’opération Barkhane au Sahel et « la transformation profonde de notre présence militaire dans la région », la mort du président tchadien Idriss Déby, soutien de la France au Sahel depuis ans, ou le grand désordre politique qui s’installe au Mali. Mais ce ne sont pas ces difficultés qui, semble-t-il, poussent le Cema à s’en aller. Sans faire de politique, il fait tout de même de la politique lorsqu’il confie ne pas souhaiter « qu’un chef d’état-major des armées, qui est un militaire, soit associé à un politique [...] Il est bon que les deux calendriers soient dissociés afin d’éviter que l’on croie qu’un chef d’état-major est choisi pour ses opinions politiques ». Qu’en termes élégants, ces distances-là sont prises ! Le Cema dit qu’il a fait « le tour du cadran ». Du cadran macronien, c’est évident.
« Le RN, lui, rallie bien des suffrages dans les casernes... »