Réapprendre à sentir après avoir perdu l’odorat
Symptôme bénin, l’anosmie ou perte de l’odorat, est typique de la Covid. S’il s’atténue rapidement, il peut perdurer des mois comme chez Michèle, azuréenne touchée par la maladie. Il est important de rééduquer les patients pour retrouver ce sens.
Proust avait sa madeleine. Michèle, une azuréenne sexagénaire a sa brioche au beurre frais. Irrémédiablement, la douce odeur de pâtisserie lui met les papilles en émoi et lui rappelle les dimanches de son enfance lorsque sa mère préparait des gourmandises pour toute la famille. Mais depuis quelques mois, Michèle ne sent plus rien. Aucun fumé, si délicat soit-il, ne parvient à susciter la moindre réminiscence chez elle. Le chocolat, le café... rien. La faute à cette satanée Covid. Elle n’a rien vu venir. C’était entre Noël et Nouvel An. Malgré les précautions, elle n’a pas eu le coeur de refuser de voir ses fils et ses petits-enfants, restés loin d’elle depuis l’été. Pas de chance, ils ont presque tous été contaminés, sans gravité, heureusement. Michèle n’a rien ressenti, même pas une petite fièvre... jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’elle ne sentait plus rien. Mais 6 mois plus tard, elle est toujours anosmique.
malades sur perdent l’odorat
Cela peut sembler anodin mais ça commence à lui peser sur le moral. À quoi bon s’affairer aux fourneaux lorsque l’on n’a même plus le loisir de s’enivrer des odeurs qui d’habitude mettent l’eau à la bouche ? Et que ses plats sont moins goûteux car désormais beaucoup trop salés ?
Des situations telles que celle-ci ne sont pas si rares. « La perte brutale de l’odorat concerne 8 malades de la Covid sur 10. Mais pour la grande majorité, les choses reviennent à la normale dans les deux mois suivant la contamination » , résume le Dr Clair Vandersteen, ORL à l’IUFC (Institut Universitaire de la Face et du Cou à Nice) et responsable du département d’olfaction au sein du service du Pr Castillo.
« Pour les autres en revanche, c’est problématique. Des études ont relevé que 21 % d’entre eux souffrent encore de troubles olfactifs au bout d’un an. Outre l’aspect professionnel pour les personnes qui utilisent leur odorat dans leur métier comme les parfumeurs, les oenologues ou les cuisiniers, il y a des répercussions dans le quotidien. Cela peut par exemple être dangereux lorsqu’on ne sent pas une odeur de gaz ou de brûlé. Idem, c’est embêtant parce que certains vont rajouter beaucoup de sel et de sucre à leurs plats, à long terme, pourvoyeurs d’hypertension et de diabète. Et au-delà de cela, le retentissement psychologique est lui aussi important (lire par ailleurs). C’est la raison pour laquelle, nous proposons une prise en charge pluridisciplinaire pour la rééducation. Il est important de ne pas tarder sinon la récupération sera plus longue. »
Aux côtés de l’ORL, interviennent donc psychiatre et orthophoniste. « C’est nécessaire parce que la rééducation autonome à domicile ne suffit pas toujours. Ce qui est singulier dans cette atteinte post-virale, c’est qu’on retrouve une atteinte au niveau du système nerveux central qui bouleverse la perception des odeurs », explique le Dr Vandersteen. Les patients non seulement ont du mal à sentir mais aussi à identifier les fragrances.
Approche pluridisciplinaire
L’ORL utilise une image : « C’est un peu comme si vous deveniez aveugle et que lorsque vous recouvrez la vue, vous êtes désormais daltonien. » Il apparaît donc évident que la récupération peut prendre du temps. Pour qu’elle porte ses fruits, une approche pluridisciplinaire est quasiment indispensable.