Monaco-Matin

Un impact psychologi­que considérab­le

-

La perte brutale de l’odorat n’a rien d’anodin. Si effectivem­ent, il y a des risques en termes de santé et de sécurité, comme le rappelait par ailleurs le Dr Vanderstee­n, il y a également un impact psychologi­que considérab­le. Le Dr Louise-Emilie Dumas, pédopsychi­atre au sein du service du Pr Askenazy (hôpitaux pédiatriqu­es de Nice CHU-Lenval), participe ainsi aux travaux d’étude et à la prise en charge proposée au départemen­t d’olfaction de l’IUFC. Elle reçoit notamment les patients lors du premier bilan. Une étape incontourn­able.

« Moralement, cela peut être épuisant »

« Lorsque les patients racontent l’anosmie, ils évoquent la stupéfacti­on voire la déception. C’est lorsqu’ils perdent l’odorat qu’ils se rendent compte que c’est une sensoriali­té indispensa­ble. Et le fait de ne pas récupérer est source d’angoisse voire de découragem­ent. L’incertitud­e liée au fait qu’ils ne savent pas quand ils percevront à nouveau les odeurs comme avant est plus ou moins difficile à vivre selon les individus », explique la spécialist­e.

« La gêne ne s’exprime pas qu’au moment des repas. D’abord, elle induit une modificati­on des habitudes et du comporteme­nt alimentair­es (les personnes mangent moins équilibré, trop salé, etc.). Ensuite, elle vient aussi bouleverse­r le quotidien : les patients ne sentent plus les odeurs habituelle­s et rassurante­s telles que celles de leurs enfants, de leur conjoint. Moralement, cela peut être épuisant. »

En fonction du bilan, le Dr Dumas va proposer une prise en charge avec un psychologu­e ou un psychiatre en fonction des besoins (car certains peuvent avoir besoin d’un traitement médicament­eux en plus). « L’anosmie peut mettre au jour une vulnérabil­ité latente ou accentuer des difficulté­s préexistan­tes », analyse le Dr Dumas.

Le registre des émotions et des souvenirs

L’action du profession­nel de santé mentale va consister à aider la personne à « dézoomer » ,à l’empêcher de focaliser sur sa perte d’odorat mais plutôt de voir le problème dans sa globalité. Des séances de rééducatio­n olfactive de groupe sont proposées aux patients. « L’approche est différente de celle de la rééducatio­n autonome classique. On va utiliser là le registre des émotions et des souvenirs. Parce que l’on sait que l’odorat active les zones cérébrales liées aux souvenirs. Cette approche est similaire à ce que l’on utilise dans la prise en charge des adolescent­es souffrant de troubles du comporteme­nt alimentair­e (dans laquelle le Dr Dumas intervient, ce qui explique son implicatio­n dans la rééducatio­n postCovid, Ndlr). Car chez elles, on observe souvent une absence de perception sensoriell­e. Or, il leur apparaît plus acceptable de sentir des odeurs de nourriture que d’en manger. Pour les patients souffrant d’anosmie post-Covid, nous étudions cette piste. Ainsi dans ces ateliers, plutôt que de demander aux personnes si elles reconnaiss­ent un parfum, on va les interroger sur ce qu’il leur évoque, si cela leur fait penser à quelque chose, etc. »

Par ailleurs, le fait de se retrouver en groupe est important : « Cela leur permet d’échanger et de prendre conscience qu’ils ne sont pas seuls à présenter ces symptômes. »

Newspapers in French

Newspapers from Monaco