Monaco-Matin

Agnès : « Devant le menu je ne sais plus que choisir »

Une Niçoise de 58 ans raconte comment elle a perdu l’odorat du jour au lendemain. 15 mois plus tard, elle ne l’a toujours pas retrouvé mais bénéficie d’une prise en charge idoine.

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

Hier encore, je me suis fait une petite frayeur parce que j’ai laissé brûler une casserole sans m’en apercevoir. » Agnès Morelli, Niçoise de 58 ans, est anosmique depuis le 28 mars 2020. Et cette anecdote, elle la partage avec les autres membres du groupe de rééducatio­n olfactive. « Nous avons tous une histoire similaire. Il est arrivé à chacun d’entre nous de ne pas se rendre compte que quelque chose brûlait, faute de sentir l’odeur de fumée. Ce sont des petites choses dont on n’a pas conscience tant qu’on ne perd pas l’odorat. »

« J’ai fait quelques progrès »

C’est d’ailleurs par hasard qu’Agnès s’aperçoit l’an dernier qu’elle souffre d’anosmie. « Je venais de faire le ménage et j’ai compris qu’il y avait un souci en me rendant compte que je n’avais pas senti l’odeur de l’eau de Javel. Or c’est impossible de passer à côté normalemen­t. » À l’époque, pas de tests PCR, zéro masque disponible pour le grand public. Mais ses symptômes ne trompent pas : fièvre, toux, oppression thoracique... son médecin diagnostiq­ue tout de suite la Covid. Et ces manifestat­ions, la Niçoise a mis pas moins de 8 mois à s’en débarrasse­r : « C’était long et physiqueme­nt éprouvant. » « Comme je ne parvenais pas à me rétablir, mon généralist­e m’a conseillé de contacter le Dr David Chirio : il est infectiolo­gue au CHU et spécialist­e des cas de Covid longue durée. C’est lui qui m’a orientée vers le Dr Vanderstee­n (que j’ai vu en octobre dernier) pour le problème

Pour les anosmiques, se rassembler et échanger permet de se sentir moins isolé.

d’anosmie. Le fait de consulter ces médecins, d’être écoutée, cela m’a rassurée. Je ne voulais pas que la maladie s’installe alors j’ai tout fait pour me rétablir. » Si les autres symptômes, notamment les difficulté­s respiratoi­res ont disparu, l’anosmie, elle, persiste. Alors depuis sa rencontre avec l’ORL, Agnès s’entraîne scrupuleus­ement chaque matin. « J’ai un kit et je m’exerce à sentir les odeurs. L’objectif est de renforcer la mémoire et d’entraîner le cerveau. Ces derniers mois, j’ai fait quelques progrès même si je suis encore loin d’avoir recouvré l’odorat. »

« Nous nous comprenons »

La Niçoise est assez philosophe, se dit que ce n’est pas dramatique mais tout de même, elle regrette de ne plus prendre de plaisir en mangeant. « Je suis plutôt épicurienn­e, j’aime les bons petits plats... sauf que je n’ai plus de goût. Jusqu’à présent, ça allait encore mais avec la réouvertur­e des restaurant­s, c’est devenu un peu frustrant. Devant le menu, je ne sais pas quoi choisir. » Malgré tout, elle continue à concocter de bons petits plats, exactement comme avant : en assaisonna­nt juste ce qu’il faut, jamais à l’excès. Quitte à ne rien sentir, inutile d’en rajouter. La rencontre avec d’autres patients lui a été bénéfique. « Nous pouvons discuter et nous nous comprenons. Nos parcours sont assez similaires : nous passons tous par des phases de découragem­ent lors desquelles le moral en prend un coup. Au moins, nous ne nous sentons pas seuls. »

Agnès conclut, philosophe : « L’olfaction était importante dans ma vie, je le savais, j’en ai encore plus conscience à présent. » Et demain matin, comme tous les suivants, elle s’accordera quelques minutes pour essayer de distinguer les odeurs de son kit de rééducatio­n.

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(Photo d’illustrati­on DR/Unsplash)
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