Les smart cities vont changer nos vies
Utilisé pour désigner un nouveau modèle de ville durable, fondé sur l’usage des nouvelles technologies dans la gestion urbaine, le concept de smart city suscite espoir et méfiance.
La smart city, c’est la ville de demain. Depuis une dizaine d’années en France, le concept de cité intelligente, qui préserve et optimise ressources et organisations, semble avoir le vent en poupe. Il est pourtant né de deux constats loin de l’affichage politique : le premier, c’est la croissance de la population mondiale dans les villes : 50 % y vit actuellement. En 2050, ce pourcentage passera à 70 %. Le second ? Les villes occupent 2 % de la surface terrestre et produisent près de 80 % des émissions de gaz à effet de serre.
« La smart city ? C’est pour sauver l’humanité qu’on fait ça », résume Laurence Vanin, titulaire de la Chaire Smart City, Philosophie et Éthique à l’Université Nice Côte d’Azur, qu’elle a créée en 2018, initiant un nouveau champ disciplinaire : la philosophie appliquée aux technosciences.
Accepter la collecte des données
Le développement de la smart city est intrinsèquement lié à l’acceptation de la technologie par les habitants. En France, le déploiement de l’application StopCovid s’est soldé par un échec (téléchargée seulement 2,6 millions de fois quatre mois après son lancement).
Singapour - parmi les villes les plus densément peuplées au monde et smart city de premier plan - a mis en place des applications similaires pour généraliser la collecte de données sur l’épidémie (surveillance de la température, enregistrement des symptômes, rues où habitent les malades…), le tout restitué sur des cartes interactives, qui ont contribué à endiguer la pandémie. Si le concept de smart city renvoie d’abord à des outils numériques qui permettent une planification urbaine plus efficace, il se rapporte aussi à « de nouvelles méthodes de gouvernance des villes impliquant différemment le secteur privé, les start-up et les citoyens », décrit Fabien Clavier, chercheur au Future Cities Laboratory de Zürich. Tandis qu’en Asie, la smart city est souvent portée par le gouvernement central et appliqué aux grandes aires urbaines, en Amérique du Nord, la smart city s’apparente à un nouveau marché pour le secteur privé. Les pouvoirs publics cherchent à déléguer tout ou partie de leurs compétences sur une aire géographique, et ils y sont fortement incités par des entreprises qui cherchent à débloquer des contrats. Les champs d’action des partenariats public-privé ainsi noués apparaissent souvent limités aux compétences urbaines les plus rentables (transports, aménagements, réseaux…).
Un modèle français ?
Une smart city à la française ? Laurence Vanin dit oui. « Aujourd’hui, nous avons une smart city vue par l’industriel, le politique, le technicien, etc, mais elle demande aussi à être décrite par le prisme des sciences humaines afin qu’elle fasse sens autrement pour le citoyen. » Et la philosophe la rêverait plus culturelle : « On ne parle jamais de l’art ou de la musique dans la smart city. Or, l’art et l’industrie sont liés. Dans les rues, il va falloir repenser les choses immatérielles. Ces moments où on entend de la musique, par exemple ».