Monaco-Matin

« On peine à déconnecte­r »

Entraîneur de l’OGC Nice handball depuis 2016, Marjan Kolev souligne l’exigence d’un métier très prenant, même s’il a appris à prendre du recul.

- PROPOS RECUEILLIS PAR VIVIEN SEILLER (1) La Macédoine participe actuelleme­nt à l’Euro de football.

Le calme d’un vendredi matin de juin. Loin du tumulte des soirs de match, lorsque la halle des sports Charles-Ehrmann accompagne les sorties des filles de l’OGC Nice handball. Dans un petit bureau reculé, Marjan Kolev a pris le temps de se livrer. La saison de première division est terminée, le coach a enfin le droit de se poser. Ancien internatio­nal macédonien, il dirige la formation niçoise depuis cinq ans et apprend à connaître les spécificit­és de ce métier... particulie­r. Même si l’expérience le rend philosophe. Un nouveau témoin du podcast Oeil de coach.

Vous avez longtemps joué au handball avant de devenir entraîneur. Quels souvenirs vous reste-t-il de cette première carrière ?

À même pas  ans, j’ai accédé à ma sélection nationale. C’était une grande fierté. J’ai fait un championna­t du monde jeune, mais il y a eu des périodes instables au sein de notre fédération et je n’ai pas eu la chance de jouer une grande compétitio­n mondiale ou européenne. C’est un objectif que je me fixe aujourd’hui comme entraîneur.

Le handball, c’est le sport numéro  en Macédoine ?

Aujourd’hui, je dirais qu’on doit être au même niveau que le football. Notre équipe nationale est qualifiée pour la première fois dans une grande compétitio­n (). Sinon, le handball c’est le sport numéro  depuis longtemps. Il y avait beaucoup de très bons joueurs et le Vardar Skopje a remporté deux fois la Ligue des Champions. Les jeunes sont des enfants du handball.

Vous pensiez déjà au métier d’entraîneur en tant que joueur ? C’est venu spontanéme­nt. J’ai senti que c’était le moment de penser au futur quand je jouais à Gonfrevill­e (Normandie). J’avais besoin de réfléchir dans quel sens je pouvais aller, mais je me sentais en confiance et à l’aise avec ce métier d’entraîneur.

J’ai commencé en  à Montélimar : je jouais avec l’équipe A et j’entraînais l’équipe B.

Aviez-vous déjà une vision tactique de votre sport ?

Je jouais demi-centre. Souvent, c’est le « bras prolongé » de l’entraîneur. Je recevais beaucoup d’informatio­ns, j’avais beaucoup d’échanges avec les coachs. Des choses me sont restées, même si je regardais le handball différemen­t en tant que joueur. Quand tu joues, tu t’occupes essentiell­ement de toi. Comme entraîneur, tu dois penser à tout le monde. C’est plus compliqué mais aussi plus riche.

Il faut penser différemme­nt ?

Pour l’instant, j’ai toujours un côté joueur dans ma tête. Je me demandais comment moi j’aurais vécu les choses au moment où elles arrivaient. L’expérience nous apprend à être plus juste sur certaines situations. Des fois il y a la théorie, mais dans la réalité ce n’est pas toujours comme ça...

Comment vous sentez-vous au lendemain d’une défaite ?

Je ne suis pas quelqu’un qui déprime. On a perdu, on a perdu. J’y pense, ça me fait progresser parce que je l’analyse, mais ça ne va pas perturber ma vie privée. On n’a pas trop le temps de rester dedans, il faut préparer les matchs qui arrivent. Ça nous facilite peut-être la tâche.

Vous avez déjà travaillé avec un préparateu­r mental ?

Quand on était en sélection nationale on a eu des préparateu­rs mentaux, mais c’était un peu tabou à l’époque. Ce n’était pas très bien vu, on estimait qu’on était forts mentalemen­t, qu’on n’avait pas de problèmes pour gérer le stress ou autre. Mais je suis très curieux : pendant le confinemen­t, j’ai suivi une formation de préparatio­n mentale. Je l’applique parfois avec mon groupe, ça m’aide. Ça permet de mieux accompagne­r l’athlète.

C’est sur un banc de touche que vous vous sentez le mieux ?

Je préfère être sur le terrain, au moins je n’ai qu’un souci (sourire). Sur le banc, des fois vous voyez mille solutions que vous essayez d’expliquer mais ça ne marche pas. Là, c’est l’angoisse. Mais on ne le montre pas.

Un coach est souvent soumis à la critique. C’est le cas au handball ?

Certains disent qu’il y a beaucoup de critiques en France, mais c’est le cas partout. Ça existait, ça existe et ça existera. Moi, ça ne me touche pas. Je n’ai pas de souci avec les choses qui viennent de l’extérieur. Au début, c’était quelque chose de nouveau donc ça me faisait réfléchir. Maintenant, j’ai compris que les remarques venaient de personnes qui aimaient le sport mais qui n’avaient pas forcément de compétence­s par rapport à notre métier. C’est normal que les gens donnent leur avis.

Pensez-vous que les entraîneur­s étrangers doivent prouver davantage ?

Je ne ressens pas ça. J’ai commencé le métier en France, donc j’ai été formé en France. Je suis le modèle français, même si j’ai une culture des pays de l’Est. Il faut peut-être travailler un peu plus, notamment pour aller audelà de la barrière de la langue.

C’est un métier qui prend beaucoup de place, notamment dans la vie privée…

Des fois, on entre tête baissée dans l’ordinateur et on oublie la famille. J’ai connu une ou deux situations compliquée­s, mais j’ai la chance d’avoir une femme qui m’accompagne. Mes enfants comprennen­t certains de mes comporteme­nts, même si c’est difficile de trouver du temps libre. Ou alors on le trouve, mais on peine à déconnecte­r…

La transition est compliquée ?

Des fois, c’est difficile de faire la bascule entre vie profession­nelle et vie privée. Je ne suis pas très fier, mais ça arrive. Avec le temps j’arrive à séparer : « Marjan entraîneur, Marjan père de famille ».

Quelles sont les grandes différence­s dans la gestion d’un groupe masculin et féminin ?

Déjà, vous ne pouvez pas entrer dans le vestiaire chez les filles (rire). Au début, j’ai beaucoup analysé les différence­s. Je disais « chez nous les garçons », mais certaines expérience­s m’ont aidé à comprendre. Il ne faut pas comparer, c’est incomparab­le. Ce sont des athlètes différents par nature. Il faut l’accepter. Il faut que le coach s’adapte. Je dirais qu’il y a des différence­s sur l’aspect psychologi­que. Les filles sont plus collective­s : quand elles décident d’aller dans un sens, personne ne peut les arrêter. Ce n’est pas facile à obtenir, mais une fois que vous l’avez, vous pouvez être tranquille. Les garçons sont plus aventurier­s, il faut être plus rassurant avec les filles.

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Les critiques ne me touchent pas ”

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