Monaco-Matin

Stéphane Cherki : « Je n’ai jamais pris un centime »

La Chambre régionale des comptes l’accuse de mélanger ses intérêts de chef d’entreprise et ceux de la commune. Le maire d’Èze dénonce un rapport fait dans un « climat de suspicion ».

- ANTOINE LOUCHEZ ET ERIC GALLIANO

Un rapport accablant de la Chambre régionale des comptes. Dans la foulée, un signalemen­t au parquet. Et une perquisiti­on en mairie il y a une dizaine de jours. Stéphane Cherki est dans la tourmente, cible d’accusation­s qu’il dément avec force. Le maire d’Èze est suspecté d’avoir confondu intérêts publics et intérêts privés et de favoriser ses nombreuses affaires personnell­es. Lui prétend pourtant n’en tirer aucun bénéfice. Bien au contraire. Il dénonce un climat de suspicion qu’il a du mal à expliquer : « Oui je gère ma ville comme un chef d’entreprise », reconnaît-il avant d’ajouter « mais toujours dans l’intérêt du contribuab­le. ».

Il vous est reproché de faire du business avec votre ville…

Jamais ! Vous pensez vraiment que mes services me laisseraie­nt faire ? Ils ont un devoir de contrôle.

Vous avez acheté des restaurant­s sur Èze. Combien ?

Je suis propriétai­re des murs de cinq restaurant­s et j’ai le fonds de commerce de quatre établissem­ents. Je n’ai pas que des affaires à Èze. J’en ai partout. Mes affaires sont transparen­tes et le fisc sait tout ce que j’ai.

À Èze, certains établissem­ents bénéficien­t de marchés municipaux…

J’ai des gérants, des fonds de commerce que je donne en gestion. Le gérant doit payer un loyer et reverse un pourcentag­e sur son chiffre d’affaires. Mais jamais un centime sur les prestation­s que lui achète la mairie. Je ne prends aucune commission et j’en ai la preuve.

Mais vos entreprise­s n’en ont que plus de valeur ?

Je n’ai rien à vendre, aujourd’hui.

Et demain ?

Quoi ? Je vais m’enrichir parce que la mairie a acheté des petits fours ? C’est ridicule. On peut me le reprocher, mais c’est anodin.

C’est pourtant ce que soulève la Chambre régionale des

comptes : vous valorisez votre capital...

Quand il y a un éboulement et que j’héberge gratuiteme­nt toutes les familles sinistrées chez moi, au Mont-Leuze, au lieu de les envoyer à l’hôtel : est-ce qu’on va me reprocher de vouloir valoriser le domaine du Mont-Leuze ?

Quand je prête une salle à une associatio­n, c’est toujours à titre personnel. Je n’ai même pas de voiture de fonction, je ne coûte même pas un litre d’essence à la commune.

On peut se demander si cette générosité n’est pas l’achat de votes : les électeurs sont-ils redevables à Monsieur Cherki

ou à monsieur le maire ?

Je ne veux plus être maire. Je n’ai plus envie. Je vous le dis, je ne serai pas candidat, ni à un quatrième mandat de maire, ni à autre chose. Qu’est-ce que j’ai à gagner ?

Une réélection ? De l’argent ?

Être maire, ça me coûte de l’argent ! Quand je déjeune avec un fournisseu­r, je ne le laisse pas sortir son portefeuil­le. C’est toujours moi qui paie, pas la mairie. C’est une habitude que j’avais en entreprise. Je ne fais pas ça pour acheter le fournisseu­r. Mais, parce que je sais que je vais lui massacrer sa facture derrière. Demandez à mes fonctionna­ires : je m’occupe personnell­ement des achats. Je négocie tout. C’est mon boulot de maire.

Pourtant ce rapport vous rapproche de créer un contexte favorable au développem­ent de vos propres affaires ?

J’ai vendu mon entreprise  millions d’euros. Croyez-moi je n’ai vraiment pas besoin de ça. Qu’est-ce que j’en ai à fiche de ce que peut me rapporter une pizzeria ? Ce sont des suspicions stupides. Mais j’ai compris, maintenant j’investis à Beaulieu, plus à

Èze.

Justement, pourquoi vous ne cloisonnez pas plus : le maire d’Èze et l’homme d’affaires ?

Ces affaires, je les avais avant d’être élu. J’ai acheté un seul restaurant depuis. Et il est fermé. J’ai investi dans Èze depuis très longtemps avant d’être maire. Ce n’est pas une stratégie. Je suis maire parce que j’aime les gens, parce que j’ai une expérience extraordin­aire.

Je suis parti de rien, j’ai fait des conneries quand j’étais gamin. J’ai commencé à travailler à  ans. Et puis j’ai avancé. Je rends à la société ce qu’elle m’a donné. De toute façon, je ne décide pas tout seul. J’ai un conseil municipal.

La Chambre, elle, vous accuse de mettre souvent vos élus devant le fait accompli, en bouleversa­nt l’ordre du jour des conseils municipaux à la dernière minute.

Moi, Stéphane Cherki, je n’ai jamais bouleversé et rajouté quoi que ce soit. Je vous en donne ma parole d’honneur. S’il y a des rajouts, c’est toujours à la demande des services ou de la Métropole, pour répondre à une urgence. Mais c’est toujours sur des broutilles…

Même lorsqu’il y a plusieurs centaines de milliers d’euros en jeu. Comme lorsqu’il s’agit de la cession des terrains de l’ancienne école du bord de mer, pour plus de  millions d’euros ?

Sur les sujets importants comme celui-là, il y a toujours des réunions préparatoi­res, des préconseil­s. Ça se discute avec tout le monde. C’est toujours à l’ordre du jour. Ce que dit la Chambre est totalement faux. D’ailleurs sur cette délibérati­on je n’étais même pas présent le jour du vote !

Si on résume, vous avez

‘‘ Je ne comprends pas ce climat de suspicion”

‘‘ Je gère cette ville avec le regard d’un chef d’entreprise”

commencé par acheter la moitié de la commune. Puis, vous vous êtes fait élire maire. N’est-ce pas un peu féodal ?

Je ne suis pas royaliste ! Par contre, oui, je gère cette ville avec le regard d’un chef d’entreprise. Je contrôle les achats. Je sais acheter et je sais vendre. Je sais quand on me prend pour un imbécile. Depuis que je suis arrivé, j’ai appelé, tout renégocié dans l’intérêt du contribuab­le. Des commandes d’eau de javel à la vente du terrain de la Brasca…

La Chambre vous reproche d’avoir vendu la Brasca en dessous de l’évaluation des Domaines…

Mon prédécesse­ur était prêt à la céder pour   euros. Quand j’ai vu ça, j’ai pété les plombs. Moi, je l’ai vendu  millions d’euros. Les négociatio­ns ont duré près de deux ans. Je me suis battu. J’ai fait mon job de maire.

Comment expliquez-vous alors ce rapport particuliè­rement sévère ?

C’est un rapport fait sur un climat de suspicion. On est dans du roman-feuilleton. Ce que j’avais l’habitude de faire pour moi en tant que chef d’entreprise, je l’ai fait aussi pour ma ville.

Pourquoi ce climat de suspicion ?

Je ne le comprends absolument pas. Il y a certaineme­nt un vrai décalage entre le raisonneme­nt d’un chef d’entreprise et celui d’un maire traditionn­el. En tout cas, j’ai géré la commune dans l’intérêt de tous les contribuab­les. Qu’est-ce que je peux faire ? Pour être maire, il faudrait que je vende mes affaires ?

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(Photo Cyril Dodergny) Stéphane Cherki se défend d’utiliser son statut de maire pour favoriser ses propres intérêts.

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