Monaco-Matin

Jean-Laurent Félizia, virage à 360 degrés

Au terme d’un « 24 heures chrono » de faux suspense, le chef de file du Rassemblem­ent écologique et social a dû baisser pavillon et renoncer à se maintenir au second tour.

- JEAN-FRANÇOIS ROUBAUD jfroubaud@nicematin.fr

Hier au petit matin, Jean-Laurent Félizia ne lâche rien. La nuit ne lui a pas porté le conseil que les Yannick Jadot et autre Olivier Faure escomptaie­nt. Contre vents et marées médiatique­s, il confirme sa volonté de maintenir la liste du Rassemblem­ent écologique et social au second tour… avant de finalement renoncer en milieu d’après-midi.

Au terme d’une réunion secrète et à huis clos hier entre 13 heures et 15 heures, JeanLauren­t Félizia a finalement dû se résigner à une nouvelle éclipse électorale totale des forces de gauche. Comme en 2015, la gauche se retire au nom du front républicai­n.

Vu de l’intérieur, tel n’était pourtant pas le scénario pré-écrit dimanche en fin d’aprèsmidi. Récit d’un virage à 360 degrés. 24 heures chrono de faux suspense ?

Plus vite que leur ombre ?

« Le maintien, ce n’était pas l’option que nous privilégio­ns… Et puis, dimanche en fin, d’aprèsmidi, tout s’est précipité, et Jean-Laurent s’est exprimé, peut-être un peu vite, dans les médias ! », raconte, sous couvert d’anonymat, l’un de ses colistiers.

La faute au sondage, une fois encore ? À prédire une vague, une déferlante Bleu Marine sur la région, les enquêtes d’opinion avaient figé la stratégie du Rassemblem­ent écologique et social avant même que le premier bulletin ne soit déposé dans une urne. S’il était hors de question d’un retrait pur et simple, la tendance était alors à une fusion avec Renaud Muselier. « Fusion technique », précise un des proches de Félizia. « Pas question d’alliance sur le fond : nos candidats intégrant la liste de fusion se seraient engagés à refuser tout mandat exécutif en cas de victoire. » L’histoire ne dit pas si des contacts ont été pris en amont avec l’entourage de Renaud Muselier pour esquisser les contours de cette « fusion technique » en forme de front républicai­n inédit… « Les yeux dans les yeux, Jean-Laurent m’a certifié qu’il ne l’avait pas fait », confie Xavier Garcia, patron du PS 06, tête de liste dans les Alpes-Maritimes.

Pour autant, tout semble réglé comme du papier à musique. Il est alors 18 heures. Il fait chaud boulevard de Friedland à Marseille. « On est préparé psychologi­quement à un écart monstrueux de 10 points, voire plus. »

Le timing médiatique est arrêté par l’équipe de Félizia. Il doit prendre la parole autour de 20 h 30. Un discours global qui évitera toute projection sur le second tour.

Le QG en fusion…

Lorsque les premières estimation­s fiables tombent, tout bascule. Certes, la vague RN est importante, mais les électeurs, du moins ceux, si peu nombreux, qui se sont déplacés, ont posé des dos-d’âne sur le boulevard électoral que les sondeurs ouvraient devant Thierry Mariani.

À la sortie des isoloirs, le bras armé de Marine Le Pen en Paca ne distance plus Renaud Muselier que de «unoudeuxpo­ints» .« Avec les 5 % de Governator­i qui sont déjà promis à Muselier, on se dit que les cartes sont rebattues, que le RN a fait le plein des voix comme toujours, donc que les abstention­nistes du premier tour viendront faire barrage… Donc que le spectre de l’éternel effacement de la gauche n’est plus une fatalité. »

Le grand basculemen­t

Le téléphone chauffe entre Marseille et les QG parisiens d’EE-LV et du PS. Vrai ou faux, JeanLauren­t Félizia est alors persuadé qu’il aura le feu vert de Paris. Par SMS, par téléphone, les militants, eux, font le job en noyant les smartphone­s des leaders du Rassemblem­ent écologique et social de suppliques, voire d’injonction­s au maintien d’une liste de gauche au second tour.

En quelques minutes, le scénario est réécrit. C’est très chaud au téléphone avec Olivier Faure. La prise de parole de pur principe de Félizia se transforme en un engagement ferme à continuer le combat électoral. Séisme !

Sur les plateaux télé, les leaders nationaux de la gauche et de l’écologie continuent d’en appeler au « retrait républicai­n ». Depuis Correns, dans le Var, Alexandre Latz, du mouvement « Place publique », annonce qu’il se retire de la liste. « Quand on représente moins de 5 % des inscrits… On ouvre les yeux, on prend acte de la défaite », écrit-il sur son compte Twitter. À Antibes, Arnaud Delcasse, un autre colistier, lui emboîte le pas, fustigeant une « attitude minable », motivée par des questions de « confort personnel ou pour un petit strapontin régional ».

La grève des bulletins de vote ?

Pour autant, pas d’hémorragie massive qui, seule, serait de nature à dissuader Jean-Laurent Félizia de maintenir son cap. Mais le malaise rode ! Au point de susciter des propositio­ns « en-même-temptistes » assez déroutante­s dans les rangs. Ne pas fournir, par exemple, de bulletins aux bureaux des départemen­ts alpins… afin de limiter l’impact de la triangulai­re. Surréalist­e mais véridique ! Une idée saugrenue qui fera finalement aussi long feu que le désir de Jean-Laurent Félizia d’aller au bout : « Dimanche soir, nous étions douze à faire corps autour de lui. Après une trop courte nuit, il s’est retrouvé en première ligne à Marseille. La tension, il l’a prise de plein fouet et tout seul. »

Pouvait-il y résister ? La réponse est non. Quand Don Quichotte Félizia a perdu un à un ses Sancho Panza, la messe était dite. Le PCF marseillai­s et « Place publique » ayant, les premiers, quitté le navire du jusqu’au-boutisme électoral, la pression des instances nationales d’EE-LV et du PS ont fait le reste.

 ?? (Photo PQR/La Provence) ?? « La défaite de la haine et de l’intoléranc­e n’est pas certaine dans notre région si nous nous maintenons », a finalement tranché Jean-Laurent Félizia (ici la veille au soir à son QG marseillai­s).
(Photo PQR/La Provence) « La défaite de la haine et de l’intoléranc­e n’est pas certaine dans notre région si nous nous maintenons », a finalement tranché Jean-Laurent Félizia (ici la veille au soir à son QG marseillai­s).
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