Les mains plongées dans la terre, le regard tourné vers le ciel
En une nuit, Jean-Laurent Félizia est devenu l’inconnu politique le plus célèbre de France. Parce qu’il a refusé de jeter l’éponge dimanche soir, parce qu’il a résisté aux pressions de la gauche unie… contre lui, avant de rendre les armes, il est entré dans l’histoire locale. Certains loueront son panache et son courage, d’autres le jugeront ridicule. Tous s’accorderont à reconnaître que, pot de terre contre pot de fer, il jouait une partie trop ardue pour sa catégorie. Jean-Laurent Félizia, c’est d’abord ce petitfils d’agriculteurs de Sainte-Maxime. La graine de l’écologie, chez lui, a germé dans le terreau de l’enfance.
« Ça faisait rigoler tout le monde »
« Je me souviens de la vulnérabilité de mes grands-parents aux caprices du climat, confie-t-il. Et de leur façon d’accepter ces aléas. Je revois mon grand-père poser sa casquette sur la table à manger et dire après une mauvaise journée : ‘‘C’est comme ça…’’ »
Cette fragilité, paradoxalement, donne envie au jeune Brignolais de travailler au contact de la nature.
La cinquantaine passée, derrière ses lunettes ovales, l’oeil frise toujours lorsqu’il évoque l’incompréhension de ses camarades de classe : « Lorsqu’on me demandait ce que je voulais faire, je répondais ‘‘paysan’’. Ça faisait rigoler tout le monde, mais c’était la vérité. »
Après des études au lycée agricole de Hyères, il devient enseignant. Puis décroche un poste en or : responsable du jardin du Domaine du Rayol.
À l’aube du nouveau siècle, Félizia s’éveille à l’écologie militante. Il se présente aux cantonales à Collobrières en 2008, puis rejoint l’année suivante Europe Écologie. En 2010, aux régionales, il « aide Michel Vauzelle à battre le candidat de l’UMP » – un certain Thierry Mariani.
Nouvelle alliance
Ses premiers mandats, en 2014 et 2020, il les exerce comme conseiller municipal d’opposition au Lavandou. Même s’il a le coeur à gauche, il n’hésite pas à s’allier à Thierry Saussez, ex-conseiller de Nicolas
L’entrepreneur paysagiste a cru qu’il pourrait faire pousser les racines d’une nouvelle alliance dans les terres du Sud.
Sarkozy. Un « détail » qui lui vaut la rancune tenace d’une partie des communistes varois. Les mêmes soulignent son opportunisme, lorsqu’il profite de l’éviction d’Olivier Dubuquoy, pressenti par EE-LV, pour s’imposer en février à la tête du Pôle écologiste. C’est de là qu’il convainc le PS, le PCF et Génération.s de se rallier à son panache vert pour constituer une liste d’union de la gauche – à l’exclusion de La France insoumise.
Cet entrepreneur paysagiste a cru qu’il pourrait faire pousser les racines d’une nouvelle alliance dans les terres du Sud. Il a pensé être capable de résister aux « oukases » d’états-majors parisiens «déconnectés de la réalité » pour amorcer un « sursaut républicain ».
Le retour sur le plancher des vaches est brutal. Icare moderne, rêveur déraisonnable et grandiloquent, il s’est brûlé les ailes au soleil noir de la politique.