Monaco-Matin

« Beaucoup de jeunes sont dans leur bulle et s’en fichent »

Chez les 18-24 ans, seul un électeur sur huit a voté dimanche. Une abstention historique. Sur la plage à Nice, jeunes votants et abstention­nistes expliquent leur choix… ou leur désintérêt.

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

B «onjour, vous êtes allés voter dimanche ? » Difficile de poser question plus décalée. Mer turquoise, soleil insolent, cuisses et abdos déconfinés : qu’elles semblent loin, les élections, en ce premier jour d’été sur les galets niçois ! Et pourtant. En ce lundi, c’est à la plage des Ponchettes que l’on trouve un début de réponse à une autre question, tout aussi incongrue : « Pourquoi sept jeunes sur huit n’ont-ils pas voté ? »

Les chiffres font mal. 87 % d’abstention chez les 18-24 ans. 83 % chez les 25-34 ans. Le sondage Ipsos/Sopra Steria pour France TV et Radio France situe la barre du désintérêt plus haut encore que dans les pires pronostics. Bien plus haut que les 66 % d’abstention générale. De quoi flanquer un sacré coup de vieux aux scrutins régionaux et départemen­taux.

« Je ne savais pas où on pouvait voter »

« C’est la première fois que je n’ai pas voté. » À l’ombre d’un parasol, Fabien Trocellier, 25 ans, s’en explique. Cet entraîneur de volley-ball a été accaparé par un tournoi, ici même, de l’aube au crépuscule. «Je pensais finir plus tôt et rentrer à temps pour voter. Sinon, j’aurais fait une procuratio­n. » Séance de rattrapage en vue dimanche. Promis. « Je lirai les programmes. Si l’un d’eux me plaît, je voterai pour le candidat. Sinon, je voterai blanc. »

Au bord du terrain de beach-volley, Lilian Le Meur et Chloé Alleman finissent leur déjeuner. À 18 ans, ces étudiants ont loupé leur premier rendez-vous électoral. « Par manque de temps… Et je ne savais pas où on pouvait voter », confesse Lilian.

Après une année éprouvante, de nombreux jeunes avaient d’autres soucis ou priorités.

À vrai dire, les élections, «ça passe au second plan ». Leurs esprits sont bien plus occupés par les vacances et les perspectiv­es profession­nelles. Les élections, Adrien Thomas en a bien entendu parler « par les podcasts, sur [l’appli de streaming] Spotify ». Mais comme beaucoup, il ne se déplace que « pour la présidenti­elle, celle qui peut avoir un vrai impact ».

Étudiant en sciences, sapeur-pompier volontaire, Adrien culpabilis­e. Oui, il serait prêt à voter pour « faire opposition à un bloc extrême » .Pas par adhésion. À 26 ans, il ne se reconnaît pas dans les politiques, « leurs costards-cravates, cet aspect très protocolai­re ». Et quand Macron rivalise d’anecdotes avec McFly et Carlito, Adrien trouve la ficelle un peu grosse : « Le coup de com’ n’est même pas masqué… Mais ça marche ! »

« Une année compliquée »

À un jet de galets de là, un groupe de jeunes baigneurs se jette à l’eau. Douze élèves en prépa au lycée Masséna. Ils ont entre 17 et 19 ans. Au doigt levé, ou mouillé, près de la moitié a voté. On est très au-dessus des standards de leur génération. « C’est important pour nous, justifie Thibault Jaouen. Ce sont les régions qui s’occupent des lycées. » Bien vu. Voter ? Élémentair­e, pour Martin

Sur le terrain de beach-volley, plage des Ponchettes à Nice, ces jeunes électeurs ont boudé le scrutin, préférant savourer l’entrée dans l’été.

Pearlstein. « Il y a encore des pays qui se battent pour aller voter. Si on veut continuer à vivre en démocratie, c’est presque un devoir ! » A18ans, Martin a glissé un bulletin dans l’urne pour la première fois. « J’ai voté par dépit. » Mais il a voté quand même. Tous ne peuvent en dire autant. Pas besoin de lettre d’excuse. À chacun ses raisons. « Manque de temps. » « Repas de famille. » « L’internat. » là. « Nous, on a eu la chance de continuer en présentiel. Mais je connais plein d’étudiants qui ont décroché. Ils ont d’autres priorités. » Au-delà, Gaspar Raybaud, 19 ans, dresse un constat simple : « Beaucoup de jeunes sont dans leur bulle et s’en fichent. »

« Utiliser les réseaux sociaux »

Cette bulle, Linda Jouve l’a brisée. À 26 ans, cette prof d’anglais a pris conscience de « l’intérêt d’aller voter ». Mais ni elle, ni son frère Neil, 22 ans, ne l’ont fait à ce jour. Dimanche, il leur aurait fallu faire une procuratio­n, pour voter à distance chez eux, vers Perpignan. La distance ? C’est justement ce qui refroidit Linda. « J’aimerais aller voter si les candidats venaient à nous. S’ils utilisaien­t d’autres formes d’expression, comme les réseaux sociaux. Aujourd’hui, tous les moyens existent. » Snap, Insta, Twitch… Peut-être la clé est-elle là, pour murmurer à l’oreille de la jeunesse. Pour atteindre un autre groupe d’amis en prépa à Masséna. « Devant le lycée, on a quatre affiches qui se regardent. On ne sait pas qui ils sont, ni ce qu’ils font », regrette Hugo Allard, 18 ans. « Pour une première élection, il faudrait que l’on soit guidé », estime Théo Zecri, 19 ans. Dans ce groupe-là, Issan Hamedi est l’un des rares à avoir voté dimanche. À 18 ans, il a fait l’aller-retour à Aix-en-Provence exprès. Respect. Issan n’en démord pas : « Pour faire bouger les choses, mieux vaut que ce soit nous qui votions. On ne peut pas se plaindre si on ne va pas voter. »

On ne sait pas qui ils sont, ni ce qu’ils font”

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Dans ce groupe d’amis en prépa au lycée Masséna, près de la moitié a plongé un bulletin dans l’urne avant de piquer une tête. Une proportion exceptionn­elle pour des jeunes de leur âge.

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(Photos Frantz Bouton)
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