Ce que la justice reproche à la société Eurochallenges
L’information judicaire ouverte en 2013 a recueilli quantité de témoignages accablants sur les pratiques d’Eurochallenges. Une instruction à charge, aux yeux de la défense. Voici les grands axes développés dans l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel. Débats en vue.
La mise en condition
Des locaux bien situés et rutilants. Des photos de mariés vantant les succès de la société, potentiellement montées. Et une « attente systématique » pour laisser au visiteur le temps de fantasmer un destin similaire. Tel est le cocktail de bienvenue chez Eurochallenges. Simple stratégie commerciale ? Conditionnement psychologique, estime l’accusation.
Le « prospect » (client potentiel) est ensuite reçu par une commerciale à la plastique avantageuse. Elle lui présente sur écran un catalogue de candidates à l’amour. Beaucoup de femmes superbes, aux poses parfois lascives. Et un taux de réussite de 80 % annoncé, « mensonger », selon la juge d’instruction Catherine Chanez.
Les contrats trop vite signés
Sitôt ferrés, les « prospects » sont invités à signer un contrat qui ne dit pas son nom. Beaucoup pensent remplir une simple fiche de renseignements. Les conditions générales de vente sont à peine lisibles. La possibilité de se rétracter sous sept jours est éclipsée. Et les grilles tarifaires sont moins valorisées que la plastique des adhérentes. Pour asseoir sa crédibilité, Eurochallenges use d’un acronyme, CNRRH, qui évoque un organisme de contrôle… alors qu’il s’agit de son ancienne dénomination commerciale. Plusieurs « prospects » se sont sentis « sous pression » pour signer, ou payer. Certains sont handicapés, malades, endeuillés ou indigents. D’où la mise en examen pour abus de faiblesse.
Les offres trop alléchantes
Non, Adriana Karembeu et Mila Jovovich n’ont pas donné leur accord pour vanter les mérites d’Eurochallenges. Leur image a pourtant été utilisée. La première a d’ailleurs déposé plainte. Eurochallenges poursuit son opération séduction en envoyant un salarié jouer les « prospects » dans un reportage télé. Ou en diffusant des reportages sur des unions, sans l’accord des couples. Le CNRRH et sa fondatrice, Anne-Marie M., ont déjà subi les foudres de la justice. En 2012, cette Lyonnaise a écopé de 4 mois de prison avec sursis pour pratiques commerciales trompeuses. Culpabilité confirmée en appel.
Les candidates qui n’en sont pas
Les adhérentes se sont inscrites gratuitement. Sans que leurs informations soient vérifiées, selon elles. Des photos étaient retouchées, les profils parfois modifiés. Iryna est devenue anglophone. Liudmila apparaissait encore dans les fichiers bien après son mariage. Et Irina a découvert que des courriers avaient été envoyés en son nom. À vrai dire, certaines adhérentes convoitaient davantage des cadeaux et des voyages que le grand amour. Celles qui y croyaient tombaient parfois de haut. Elles imaginaient plus le prince charmant en entrepreneur ou cadre à succès, qu’en « Français moyen en quête affective ».
Le harcèlement des salariés
D’anciens salariés se sont, eux aussi, retournés contre Eurochallenges. Ils s’estiment victimes de harcèlement moral. L’un des fils de la fondatrice, Grégory T., et sa compagne Gaëlle B., sont soupçonnés d’avoir cultivé « une culture du secret » , visant à « garantir la pérennité des infractions commerciales » et « broyer les salariés qui refusaient d’entrer dans le moule ». L’instruction a mis au jour une « organisation tellement bien huilée que certains salariés [...] avaient le sentiment de travailler dans une société de recouvrement, plus que dans une société de courtage commercial ». Les mis en cause, eux, rejettent les fautes en bloc sur l’ancien directeur juridique.