Monaco-Matin

Newt, une reconversi­on qui a du flair

Newt, la malinoise éduquée à retrouver des traces de loups, change de vie. Aujourd’hui affectée au parc national de Port-Cros, elle a vocation à se mettre sur la piste de lézards… et de cétacés.

- P.-H.C. phcoste@nicematin.fr

A «llez, Newt, cherche ! » Lorsque son maître lui enfile le harnais rouge orné de l’écusson du parc national de PortCros, Newt, la jeune malinoise, saisit que le prestige de l’uniforme se mérite. « Elle comprend que là, on va travailler et elle se met en mode détection », sourit son maître, Fabrice Roda.

La truffe en alerte, la chienne de 4 ans passe alors son environnem­ent au scanner. Ni stupéfiant­s, ni explosif pourtant dans son viseur. Objectif : détecter de minuscules crottes de lézard.

La mission peut sembler moins prestigieu­se pour un chien policier, mais a son importance et nécessite de l’expertise, même pour un limier surentraîn­é. En quelques secondes pourtant, les modestes fèces de tarente de Maurétanie sont repérées au fond d’un parpaing. La chienne aboie pour signaler à Fabrice que le job est fait et qu’elle mérite bien une récompense : de précieux instants de jeu avec la balle que Fabrice garde en permanence sur lui.

Pour l’instant, il ne s’agit que d’un entraîneme­nt dans les locaux de la capitainer­ie de Port-Cros. Ces déjections de reptile, l’agent du parc national varois les prélève chez lui à Rocbaron, et les conserve jalousemen­t au congélateu­r.

La guerre des geckos

« On pense que la tarente de Maurétanie a pu être introduite sur l’île en se glissant dans des matériaux de constructi­on et on veut l’empêcher de coloniser le milieu, explique Fabrice en félicitant sa chienne. Cette espèce pourrait nuire à la population d’hémidactyl­es et surtout de phyllodact­yles », les petits lézards endémiques des îles de Méditerran­ée.

À Porqueroll­es, ce phénomène est déjà observé. Un scénario que le parc et son conseil scientifiq­ue ne veulent pas voir se reproduire à Port-Cros. Du coup, lorsqu’en novembre dernier, Newt a posé le coussinet sur l’île, à la faveur d’une mutation de Fabrice, l’idée est née de la mettre sur la piste de l’envahisseu­r.

« Aujourd’hui, Newt est capable de différenci­er des déjections de tarentes de celles de phyllodact­yles, apprécie Fabrice avec son badge tricolore de police de l’environnem­ent. Si on trouve des tarentes, on les capture et on les rapporte sur le continent, parce que même si elles sont indésirabl­es sur l’île, il s’agit d’une espèce protégée. Mais l’objectif à terme, c’est surtout que Newt puisse faire de la détection sur les bateaux qui apportent des matériaux de constructi­on pour éviter toute nouvelle introducti­on. »

Du lézard au rorqual

Cette chasse au lézard, c’est la partie terrestre des journées chargées de Newt. Depuis peu, celle qui a consacré ses premières années à l’identifica­tion de loups (lire ci-contre) renifle aussi la mer. « Ce n’était vraiment pas son élément, mais maintenant, elle est à l’aise en bateau », savoure Fabrice.

Ici, bien sûr, ce n’est ni sur l’odeur du loup, ni sur celle des lézards que l’agent de la police de l’environnem­ent conditionn­e sa chienne. « On veut lui apprendre à détecter des déjections de cétacés. On sait que ces matières restent une demiheure en surface avant de couler, alors on compte sur son flair pour nous permettre de les trouver. »

Une truffe pour faire avancer la science

À 45 ans, Fabrice a gardé de son doctorat en neuroscien­ces un solide sens de la rigueur intellectu­elle et avance pas à pas. « Pour l’instant, j’entraîne Newt à repérer en mer des crottes de loup (qu’il dispose évidemment lui-même, Ndlr). Je sais que c’est une odeur qu’elle isole facilement et il faut qu’elle comprenne comment indiquer, avec l’orientatio­n de son museau, où diriger le bateau. Cette étape, je sais qu’elle fonctionne. Sa capacité de détection n’est pas affectée par l’eau de mer. »

Lorsque la routine sera devenue un jeu de chiot pour Newt, son maître passera aux choses sérieuses et lui fera découvrir le délicat fumet des déjections de cétacés. « Mais il est très difficile d’avoir des échantillo­ns, confie Fabrice qui attend impatiemme­nt que le WWF lui fasse une livraison. « Dans un an, je saurai si ça marche ou pas. »

À la clé de cette pêche particuliè­re, l’espoir de faire avancer la science. Pour l’instant, pour travailler sur la génétique des cétacés, les scientifiq­ues ne disposent que des prélèvemen­ts réalisés lors d’échouage. « En récupérant des fèces, on pourra apprendre énormément sur les brassages intergroup­e… ou même sur le niveau de stress via les dosages hormonaux, s’enthousias­me Fabrice. C’est par exemple quelque chose qu’on pourrait corréler avec les routes maritimes ou les zones de pêche ». Allez, cherche Newt, cherche !

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(Photos P.-H. C.) Fabrice Roda et Newt assurent la police de l’environnem­ent à Port-Cros.

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