France - Suisse en 8e de finale lundi
Solaire, Macha Makeïeff, malgré la pluie qui gronde à l’extérieur du théâtre Liberté à Toulon. La directrice de La Criée, à Marseille, est venue présenter La Nichée, une série de vignettes décalées, humoristiques réalisées avec douze élèves du conservatoire TPM (1). Après Barre Phillips, André Gabriel, Rhys Chatham et Jean-François Zygel, c’est donc l’auteure, metteuse en scène, plasticienne, mais aussi créatrice de décors et de costumes, incontournable de la scène française qui a « joué le jeu » de la transmission, nom de ce temps singulier, ce cycle de travail voulu par le Conservatoire TPM de Toulon.
Faire surgir l’absurde dans le quotidien de personnages populaires, dont l’ignorance ou l’étroitesse d’esprit vire au burlesque : ce travail rappelle les Deschiens, série que vous aviez co-créée…
C’est vrai que j’ai beaucoup travaillé sur le minimalisme. Cela donne le sens de la période, comme on le fait au music-hall. Dix secondes de trop ou cinq de pas assez, cela ne marche pas. En explorant le thème de l’autre, des interrogations que cela peut procurer, je voulais que les élèves ressentent tout l’étonnement qu’ils peuvent donner à être là, en scène, avec une économie de moyens.
L’autre, pour quelles raisons ?
C’est une complexité passionnante : dans la vie, l’autre est à la fois un mystère, une promesse, un étonnement. Au théâtre, prendre conscience de la présence d’autrui est essentiel, primordial. Tout comme un objet sur scène n’est pas simplement de la décoration ou une anecdote, mais un compagnon de jeu.
Ce cycle de travail du conservatoire s’appelle « Transmission ». C’est important pour vous ?
Ça l’a toujours été. À La Criée, nous recevons aussi beaucoup d’élèves. C’est important, je crois, de sortir des écoles pour aller sur le terrain de jeu de la réalité.
Une réalité très bousculée depuis un an et demi.
Et notamment pour les plus jeunes d’entre nous… Protéger le corps et la santé c’est important, mais priver les êtres d’imaginaire et de ce contact artistique aura des conséquences terribles, je pense. On voit beaucoup d’enfants qui souffrent psychiquement à la suite de ces confinements.
La sociabilité, le regard de l’autre, l’écoute de l’autre, est tout à la fois une énigme et une nécessité à ce que l’on est. C’est ce dont parle le travail que nous avons réalisé d’ailleurs.
Vous comptez parmi les personnalités du monde culturel qui se sont engagées pour faire barrage au RN. Après les résultats du premier tour en PACA, quel message voudriez-vous porter ?
Je n’ai pas de message, mais j’ai une conduite. Pour l’art, la culture, la liberté d’expression, il faut rejoindre et soutenir ce qui n’est pas du côté des extrêmes. Le programme de l’extrêmedroite en matière de culture est assez clair, il n’a d’ailleurs pour l’instant pas été dévoilé… Il faut savoir choisir ce qui est au plus près de la conception de la démocratie que nous avons et nous défendons.
Après les Hadza de Tanzanie (), quand reviendrez-vous à la mise en scène ?
Je travaille depuis plus d’un an pour Tartuffe et je commence les répétitions en septembre prochain. C’est un spectacle d’ailleurs qui viendra au Liberté. Je suis très heureuse d’y retrouver quelques fidèles de ma famille artistique et de mettre en scène des nouveaux venus, que je découvre. J’ai hâte de commencer à répéter.
1. En partenariat avec La Criée - Théâtre national de Marseille, Le Châteauvallon-Liberté, scène nationale et le Conservatoire TPM.
2. Ce dernier volet du cycle « Les âmes offensées », quatre spectacles ethnographiques imaginés à partir des carnets de terrain de l’ethnologue Philippe Geslin, a été créé en mars dernier.
Notez que Macha Makeïeff présente son exposition créée en 2019 pour le Festival d’Avignon, au Musée des Tapisseries d’Aix-En Provence. Un comme le définit la créatrice qui a réinventé la scénographie pour ce lieu particulier. Comme ce sera le cas l’an prochain à Villeurbanne.