Monaco-Matin

Relaxe pour une dispute entre amants singuliers

La victime prétendait des menaces par son ami alcoolisé avec une paire de ciseaux. Le prévenu réfutait ces violences et se plaignait d’une dent cassée par un coup porté par sa bien-aimée.

- JEAN-MARIE FIORUCCI * Assesseurs : Mmes Geneviève Vallar et Virginie Hoflack.

C’est un couple de sexagénair­es originaux, à la vie commune instable et discontinu­e, allergique­s à toutes contrainte­s. Madame avait traîné son amant temporaire devant le tribunal correction­nel pour des violences. Dans la soirée du 30 avril dernier, ivre, il aurait pénétré dans son logement des « Eucalyptus « à Monaco, avec des intentions belliqueus­es et saisi une paire de ciseaux.

A la barre, Monsieur, conteste les faits. Il se présente comme un non-violent et incrimine la plaignante de l’avoir malmené sans ménagement avec une dent cassée par un coup de poing.

Une arme retrouvée sous le lit

Le président Jérôme Fougeras Lavergnoll­e (*) essaie de discerner le vrai et du faux dans ces éléments discordant­s. « Cette dame en effet appelle la police vers 20 heures et les agents trouvent ce qui est considéré comme une arme sous le lit. Êtes-vous venu chez cette personne pour la menacer ? Elle dément également vous avoir brisé une incisive.»

Le prévenu paraît désespéré face à des reproches qualifiés de méprisable­s. Il se lance dans la genèse de leur tempéramen­t amoureux : une période qui avait peu contrarié jusqu’alors son inclinatio­n naturelle au bonheur mutuel.

« Je connais cette femme depuis sept ans, affirme-t-il. Nous avons vécu trente-six mois ensemble. Je n’ai jamais été impétueux envers Madame. Comment aurais-je pu avoir un geste aussi affreux ? Ce soir-là nous discutions. Je n’ai aucune souvenance d’avoir été brutal ou menaçant. Marqué par de multiples drames de la vie, j’ai sombré dans l’alcool. Je suis un traitement très sérieux et lourd pour arrêter mon addiction...»

Alors, le magistrat appelle la victime pour justifier ce qu’elle décrit dans sa plainte. « La dispute a débuté quand j’ai voulu lui retirer la bouteille de whisky. Il s’est mis en colère et il a pris une paire de ciseaux. Je l’ai aussitôt poussé contre la porte afin qu’il lâche l’objet. J’avais de l’empathie pendant notre vie commune. Mais là il a dépassé les bornes. Je ne réclame rien en tant que partie civile.»

2,50 g d’alcool dans le sang

Comme s’il souffrait de cette haine féminine, ce personnage sans emploi, vivant de subsides sociaux, brandit son bras pour contredire ces attaques perfides.

« Je ne suis pas un assassin ! Cette femme de 1,55 m pouvait-elle me retenir ? Son comporteme­nt pour sortir de cette sauvagerie par la force ne tient pas. On s’est disputé des centaines de fois ! Il y a là beaucoup d’imaginatio­n. Quand j’ai crié, elle m’a fermé d’un coup fort la bouche et cassé une dent...» Conseil de la partie civile, Me Maeva Zampori anticipe le mensonge. « Ma cliente conteste les faits et demeure choquée par ces dénigremen­ts. Sa plainte devait dissuader le prévenu de ne plus recommence­r. Nous réclamons l’euro symbolique.» Cette cacophonie conflictue­lle laisse le substitut Emmanuelle Carniello perplexe à l’heure de requérir. «Le contexte est particulie­r avec 2,50 g d’alcool dans le sang. C’est la parole de l’un contre celle de l’autre. On ne sait pas trop comment les ciseaux ont abouti sous le lit. Monsieur a ouvert la porte calmement aux policiers. Rien n’éclaire ma lanterne dans cette procédure. Je m’en remets à la décision du tribunal pour ce couple pathologiq­ue.» La décision de relaxe a-t-elle permis à la justice de botter aussi en touche ?

 ?? (Photo Jean-Francois Ottonello) ?? Selon la victime, « son mari a dépassé les bornes ».
(Photo Jean-Francois Ottonello) Selon la victime, « son mari a dépassé les bornes ».

Newspapers in French

Newspapers from Monaco