Ecrire des mots pour vaincre les maux d’Alex !
Ateliers d’écriture pour les jeunes des vallées ravagées par la tempête d’octobre. L’auteure, Caroline Audibert, a aidé les collégiens à vaincre le choc en rédigeant un recueil de nouvelles.
Ne pas rester figé dans le traumatisme de la tempête. »
Ce fut le postulat de base de l’écrivaine Caroline Audibert. Point de départ d’ateliers d’écriture proposés par la romancière aux jeunes des vallées des Alpes-Maritimes, ravagées par la tempête Alex du 2 octobre dernier. Ecrire pour surmonter le choc d’avoir perdu sa maison, vu une route s’effondrer, été témoin d’un monde en déroute. Collèges et lycées des vallées de la Vésubie et de la Roya fermés. Le confinement par-dessus. Des épisodes bousculant fatalement l’équilibre de la jeunesse. Et si l’écriture pouvait aider ces ados à se reconstruire intérieurement, mentalement, moralement, affectivement ? Caroline Audibert s’est d’autant mieux posé la question qu’elle a vécu deux tempêtes. Celles d’Alex, puisqu’elle et sa famille sont originaires de SaintMartin-Vésubie. Une autre tempête aussi, plus lointaine, qui s’était abattue sur les Alpes-Maritimes, dans la soirée du 3 octobre 2015. De retour du festival du livre de MouansSartoux, Caroline s’était retrouvée sur la route noyée sous des trombes d’eau et avait dû passer la nuit, dans sa voiture. Une fois rentrée chez elle, le lendemain, elle s’était mise à noircir des feuilles. « Pour traduire mes impressions, mes sensations, sortir de l’hébétude...» Une manière d’apprivoiser le désastre grâce à un travail rédactionnel cathartique.
Une envie une urgence
Bénéficiant de l’unique appui du conseil départemental, Caroline a contacté tous les établissements des vallées. Deux seulement ont répondu : le lycée de la montagne à Valdeblore et le collège Saint-Blaise à SaintSauveur-sur-Tinée. Dans ce dernier établissement, en cinq séances hebdomadaires de deux heures chacune, Caroline a coaché 14 filles et garçons de 5e, 4e et 3e. «Des niveaux différents et certains élèves pas du tout versés dans l’écriture, mais qui ont tous vaincu la difficulté. » Celle du vécu des éléments en furie. Celle de la mise en scène des mots. «Ilyavait une envie, une urgence, une attente. Je leur ai demandé de créer un personnage autour d’un arbre qui a fait le lien entre gens de la montagne et gens du littoral, car on en a vu arriver dans la mer... Et puis grâce au personnage végétal, on peut mieux faire dériver les émotions. »
Publication en septembre
Travail en direct. Ligne par ligne. Ecrite au fil d’un carnet personnel. Au gré de l’imaginaire foisonnant du groupe. Il fallait sortir de l’ornière. « Mon rôle fut de canaliser l’énergie sombre, le deuil, la tristesse en aidant à trouver un ressort, en transformant l’impasse en issue. » Tempête sous 14 crânes. Déclics. Exorcisme. Ecriture en guise de thérapie. Après la pluie vient le beau temps. Au bout de la nuit, la lumière jaillissant de quatorze nouvelles. Regroupées dans un recueil édité chez Gilletta et publié en septembre prochain. La boucle est bouclée : genèse, écriture, édition, parution. « On n’est plus dans la logique de la perte, mais dans celle de la création. »
“Ce fut une expérience salvatrice qui a pu débloquer certains traumatismes. On a vu des sourires, même si les élèves ont eu du mal à les percevoir. Nous, enseignants, l’avons perçu davantage : ils étaient plus attentifs, plus à l’écoute des autres. Il y a eu un aspect émotif, affectif. En outre, parvenir à construire un recueil de nouvelles est une grande source de satisfaction.”
Cindy Gosset, professeure d’histoire-géographie, qui participe en outre à un projet interdisciplinaire sur le réchauffement climatique, avec d’autres enseignants du collegèe en ASVT et sciences physiques-chimie. Un hasard ?