Le ministère de la Justice perquisitionné
Une longue perquisition a eu lieu hier dans le cadre d’une enquête ouverte sur des soupçons de prise illégale d’intérêt concernant Eric Dupond-Moretti.
Arrivés hier matin vers 9 heures dans les locaux du ministère de la Justice pour une rarissime perquisition, les magistrats de la Cour de justice de la République étaient toujours sur place tard hier soir, dans le cadre de l’enquête qui vise Eric Dupond-Moretti sur de possibles conflits d’intérêts entre son action de garde des Sceaux et ses anciennes fonctions d’avocat. La perquisition a été menée par une vingtaine de gendarmes de la section de recherche de Paris, avec des magistrats de la Cour de justice de la République (CJR). Eric Dupond-Moretti était sur place.
« Totalement disproportionné »
Son avocat, Me Christophe Ingrain, a regretté «un déploiement de forces totalement disproportionné ». L’enquête pour « prise illégale d’intérêts » a été ouverte en janvier à la CJR, seule juridiction habilitée à juger des ministres, et fait suite à des plaintes déposées par trois syndicats de magistrats et l’association Anticor.
Cette perquisition est «un mystère » car « dès l’annonce de l’ouverture de l’instruction,
Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a assisté hier à la perquisition, menée par une vingtaine de gendarmes et plusieurs magistrats.
le garde des Sceaux nous a demandé de transmettre à la CJR la totalité des documents détenus par le ministère de la Justice au sujet des faits dont la CJR est saisie », a déclaré Me Ingrain.
« Le garde des Sceaux est serein : les faits dont est saisie la CJR sont une procédure initiée par son prédécesseur, Mme Nicole Belloubet, et le ministre a suivi les avis des magistrats qui composent ses services en saisissant l’inspection générale de la Justice », a-t-il ajouté. Selon Le Canard enchaîné, Eric Dupond-Moretti devrait être prochainement convoqué par les magistrats de la CJR et risque une mise en examen.
Le Premier ministre Jean Castex a lui déjà été entendu le 7 juin dans cette affaire, en tant que témoin.
Au coeur des accusations figure l’enquête administrative ordonnée par Eric Dupond-Moretti en septembre contre trois magistrats du parquet national financier (PNF).
Tous les trois avaient participé à une enquête préliminaire visant à identifier la taupe qui aurait informé l’exprésident Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog qu’ils étaient sur écoute dans une affaire de corruption. MM. Sarkozy et Herzog ont depuis été condamnés dans ce dossier à trois ans de prison, dont un ferme, et ont fait appel.
Le PNF avait été mis en cause pour avoir épluché les relevés téléphoniques détaillés (« fadettes ») de ténors du barreau, dont Eric Dupond-Moretti, un ami de Thierry Herzog.
« Méthodes de barbouzes »
Eric Dupond-Moretti avait alors dénoncé des « méthodes de barbouzes » et déposé une plainte pour « atteinte à la vie privée », avant de la retirer le soir de sa nomination, en juillet, comme garde des Sceaux.
Les syndicats lui reprochent aussi d’avoir ouvert une autre enquête administrative à l’encontre du magistrat Edouard Levrault, aujourd’hui en poste à Nice. Avant de devenir ministre, Eric Dupond-Moretti avait été l’avocat d’un haut policier monégasque mis en examen par ce magistrat, alors détaché à Monaco, dont il avait critiqué les méthodes de « cow-boy ».
Ce juge s’était exprimé à la télévision sur cette affaire après son départ forcé de son poste.