Une juriste condamnée pour un faux courrier
Pour faire pression sur son bailleur, une spécialiste du droit, employée par une entreprise renommée de Monaco, lui a adressé une missive en se faisant passer pour une avocate de la place.
Àl’audience, l’affaire a provoqué l’indignation quasi générale. Une avocate, employée comme juriste dans une grande entreprise de la Principauté, a été condamnée à quatre mois avec sursis par le tribunal correctionnel. La justice lui reproche l’altération frauduleuse de la vérité dans un écrit adressé à son bailleur au cours du mois d’octobre 2020. Confrontée à un litige sur la récupération intégrale de la caution locative, la quadragénaire avait utilisé les formules juridiques d’un texte copié-collé sur un mail émanant d’un cabinet d’avocats de la Principauté.
De ce fait, son courrier prenait un caractère officiel. Certainement pour impressionner.
Ce qui a fortement déplu à Me Sophie Marquet. Alertée par un confrère, conseil de la propriétaire qui lui avait transmis le pli concerné, elle a dénoncé au procès les arguments fallacieux relevés.
Elle avoue... puis se rétracte
À la barre, la prévenue essaie par tous les moyens de brouiller les pistes. Dans les locaux de la Sûreté publique, elle avait d’abord expliqué que son assistante était l’unique auteur de la supercherie. Puis dans un autre interrogatoire, elle avait reconnu les faits. Mais face aux juges, cette Brésilienne se rétracte et conteste à nouveau toutes intentions ou manoeuvres frauduleuses.
À force de patience et de ténacité, le président Jérôme Fougeras Lavergnolle arrive à débrouiller les fils de cet imbroglio. La prévenue admet sa culpabilité. « Alors pourquoi tergiverser ? », s’étonne le magistrat. « Pour protéger ma collaboratrice. J’avais juste préparé des brouillons... », essaie-t-elle une dernière fois pour minimiser son délit, avant de craquer !
Elle est prise d’une forte angoisse
Coincée, obligée de se découvrir, la prévenue est prise d’une forte angoisse. Inquiète, anxieuse, en pleurs, elle éprouve ce sentiment de l’imminence d’un danger, caractérisé par une peur panique. Le premier coup de grâce est porté par la partie civile. Le visage crispé, le rictus amer, la plaignante s’insurge.
« Je ne connais pas cette dame. Je suis désarçonnée par son attitude. Je ne voulais pas tirer sur l’ambulance et solliciter juste un préjudice de principe. »
«Ellement!»
Le ton change pour étancher sa colère. « Pourtant, cette avocate a prêté serment dans son pays et prétend dire la vérité. Elle ment ! En violant les lois, elle me cause un préjudice d’image à l’ensemble de la profession. Protège-t-elle véritablement son assistante ? Elle doit être sévèrement punie, car les mailles du filet judiciaire monégasque sont serrées. De l’euro symbolique prévu, je passe à un mois de son salaire : 7 500 euros. »
« Elle va quitter la Principauté... Bon débarras ! »
La jurisconsulte ne sera pas mieux lotie avec les réquisitions du premier substitut Cyrielle Colle, inquiétée par un tel comportement. « Une seule chose me rassure : cette personne, prête à faire des faux et à mentir devant un tribunal, va quitter la Principauté. Bon débarras ! Il faut une peine à la hauteur du trouble constaté. La meilleure des sanctions ? C’est une mention sur son casier ! Tous les employeurs en prendront connaissance au moment de l’embauche : deux mois d’emprisonnement. » Le tribunal n’a pas manqué de probité avec une condamnation à quatre mois assortis du sursis et le versement de 1 500 euros pour la partie civile.