Monaco-Matin

Une juriste condamnée pour un faux courrier

Pour faire pression sur son bailleur, une spécialist­e du droit, employée par une entreprise renommée de Monaco, lui a adressé une missive en se faisant passer pour une avocate de la place.

- JEAN-MARIE FIORUCCI * Assesseurs : Mme Geneviève Vallar et M. Franck Vouaux.

Àl’audience, l’affaire a provoqué l’indignatio­n quasi générale. Une avocate, employée comme juriste dans une grande entreprise de la Principaut­é, a été condamnée à quatre mois avec sursis par le tribunal correction­nel. La justice lui reproche l’altération frauduleus­e de la vérité dans un écrit adressé à son bailleur au cours du mois d’octobre 2020. Confrontée à un litige sur la récupérati­on intégrale de la caution locative, la quadragéna­ire avait utilisé les formules juridiques d’un texte copié-collé sur un mail émanant d’un cabinet d’avocats de la Principaut­é.

De ce fait, son courrier prenait un caractère officiel. Certaineme­nt pour impression­ner.

Ce qui a fortement déplu à Me Sophie Marquet. Alertée par un confrère, conseil de la propriétai­re qui lui avait transmis le pli concerné, elle a dénoncé au procès les arguments fallacieux relevés.

Elle avoue... puis se rétracte

À la barre, la prévenue essaie par tous les moyens de brouiller les pistes. Dans les locaux de la Sûreté publique, elle avait d’abord expliqué que son assistante était l’unique auteur de la supercheri­e. Puis dans un autre interrogat­oire, elle avait reconnu les faits. Mais face aux juges, cette Brésilienn­e se rétracte et conteste à nouveau toutes intentions ou manoeuvres frauduleus­es.

À force de patience et de ténacité, le président Jérôme Fougeras Lavergnoll­e arrive à débrouille­r les fils de cet imbroglio. La prévenue admet sa culpabilit­é. « Alors pourquoi tergiverse­r ? », s’étonne le magistrat. « Pour protéger ma collaborat­rice. J’avais juste préparé des brouillons... », essaie-t-elle une dernière fois pour minimiser son délit, avant de craquer !

Elle est prise d’une forte angoisse

Coincée, obligée de se découvrir, la prévenue est prise d’une forte angoisse. Inquiète, anxieuse, en pleurs, elle éprouve ce sentiment de l’imminence d’un danger, caractéris­é par une peur panique. Le premier coup de grâce est porté par la partie civile. Le visage crispé, le rictus amer, la plaignante s’insurge.

« Je ne connais pas cette dame. Je suis désarçonné­e par son attitude. Je ne voulais pas tirer sur l’ambulance et solliciter juste un préjudice de principe. »

«Ellement!»

Le ton change pour étancher sa colère. « Pourtant, cette avocate a prêté serment dans son pays et prétend dire la vérité. Elle ment ! En violant les lois, elle me cause un préjudice d’image à l’ensemble de la profession. Protège-t-elle véritablem­ent son assistante ? Elle doit être sévèrement punie, car les mailles du filet judiciaire monégasque sont serrées. De l’euro symbolique prévu, je passe à un mois de son salaire : 7 500 euros. »

« Elle va quitter la Principaut­é... Bon débarras ! »

La jurisconsu­lte ne sera pas mieux lotie avec les réquisitio­ns du premier substitut Cyrielle Colle, inquiétée par un tel comporteme­nt. « Une seule chose me rassure : cette personne, prête à faire des faux et à mentir devant un tribunal, va quitter la Principaut­é. Bon débarras ! Il faut une peine à la hauteur du trouble constaté. La meilleure des sanctions ? C’est une mention sur son casier ! Tous les employeurs en prendront connaissan­ce au moment de l’embauche : deux mois d’emprisonne­ment. » Le tribunal n’a pas manqué de probité avec une condamnati­on à quatre mois assortis du sursis et le versement de 1 500 euros pour la partie civile.

 ?? (Photo d’illustrati­on Jean-François Ottonello) ?? Condamnée à  mois de sursis pour un faux en écriture, la prévenue devra aussi verser  euros à la partie civile.
(Photo d’illustrati­on Jean-François Ottonello) Condamnée à  mois de sursis pour un faux en écriture, la prévenue devra aussi verser  euros à la partie civile.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco