Sur la « route des lacets », France et Italie reconnectées a minima
Neuf mois qu’ils attendaient ça. Neuf mois que Tende et La Brigue étaient coupés de leurs racines italiennes. Neuf mois que la tempête Alex avait stoppé toute liaison routière entre France et Italie dans la haute Roya.
Enfin, les voisins sont reconnectés. Aminima. Le 26 juin, la préfecture des AlpesMaritimes a partiellement rouvert la route dite des « 50 lacets ». La liaison historique du col de Tende. Le tunnel et son voisin en chantier, eux, sont au repos forcé. À l’entrée, la RD 6204 a été emportée par une impressionnante avalanche, le 2 octobre 2020. Le salut provisoire est donc venu de la route du sel. Sur les traces des mulets qui convoyaient, au Moyen Age, cet or blanc du Comté de Nice au Piémont. Seuls les habitants de Tende, La Brigue et Limone y sont autorisés. Ainsi que les travailleurs frontaliers de ces communes. Et les touristes et randonneurs ayant réservé au moins une nuit en hôtel ou refuge côté Castérino.
« Une bouffée d’oxygène »
Mercredi, nous voici à l’entrée. Un panneau sens interdit « sauf chantier » nous accueille. Le Département s’apprête à adapter la signalisation. La piste est toute fraîche. « C’est une grande bouffée d’oxygène, salue le maire de Tende, Jean-Pierre Vassallo. Je réclamais un accès vers l’Italie. C’est un besoin vital ! »
Les équipes du Département ont travaillé pour remettre en état la route. Elle reste néanmoins capricieuse : l’un de leurs véhicules a un pneu crevé.
La route historique sillonne à travers des panoramas sublimes, mais n’est accessible qu’aux conducteurs aguerris aux routes de montagne.
dos d’âne, nécessaires pour évacuer l’eau de pluie, secouent le parcours. Ce n’est rien à côté de l’après-Alex, relativise Jean-Pierre Vassallo : « Certaines ornières m’arrivaient à la taille ! »
Les équipes du Département des AlpesMaritimes ont cravaché pour aménager la piste. Non sans mal. Lors de notre passage, l’un de ses fourgons attend d’être dépanné : pneu crevé.
« Ils ont fourni un travail énorme », insiste le maire de Tende. Les professionnels de Castérino sont moins enthousiastes. Ils ne digèrent pas que le préfet ait barré la piste de Speggi, censée sauver leur saison, après la chute de deux cyclistes. Karine Rigaut, de Castérino randonnées loisirs, fustige l’état de la route des 50 lacets : « C’est à se demander si ce n’est pas fait exprès... » Jean-Pierre Vassallo fait avec. Il sait que cette route sera impraticable dès les premières neiges : «Là, on parle de l’urgence. » Il redoute que d’autres véhicules s’y invitent, l’accident qui porterait un coup fatal à cet itinéraire bis.
« Comment faire en hiver ? »
En remontant vers les forts perchés au sommet, on découvre des panoramas sublimes peuplés de mélèzes et de marmottes. Arrivée au col. À 1 870 mètres d’altitude. Fin des lacets, retour au bitume. Un paradis pour motards.
Cette route du sel, Livio Dutto, 62 ans, aimerait y accéder. Habitant Cuneo, il n’en a pas le droit. « Certes, c’est une solution de fortune. Mais c’est souhaitable, vu que les travaux du tunnel de Tende semblent partis pour durer longtemps. »
Au Marmotte, le restaurant du col, la première adjointe de Limone comprend les priorités côté français. « Mais ce serait mieux si c’était ouvert aussi aux touristes », regrette Rebecca Viale. Elle s’inquiète pour l’avenir : « L’été, ça passe avec la route des 50 lacets. Mais comment va-t-on faire en hiver ? »
Fin des lacets, arrivée au col et aux portes de l’Italie, à la jonction vers Castérino. On est encore sur la commune de Tende, précise son maire Jean-Pierre Vassallo.